Nicolas Henry – Les cabanes de nos grands-parents
Jusqu’au 23 juillet 2009
Galerie F.J. 11, rue de Miromesnil 75008
McDermott & McGough – Without You I Am Nothing
Jusqu’au 22 juillet 2009
Galerie Jérôme de Noirmont, 36-38 avenue Matignon 75008
Jeune photographe et directeur artistique de Yann Arthus Bertrand pour le projet 6 milliards d’autres, Nicolas Henry (né en 1978) expose à la galerie F.J. son dernier travail autour de l’idée de cabanes. Non d’enfants, mais celles de grands-parents. A deux pas de là, le couple dandy irlando-américain David McDermott (né en 1952) et Peter McGough (né en 1958) présente à la galerie Jérôme de Noirmont ses nouvelles peintures. Nostalgie de fin de siècle imprégnée de l’univers cinématographique. Les deux expositions confrontent la douceur poétique des images à une narration percutante.
LES CABANES DE NOS GRANDS-PARENTS
A la fois souvenir d’enfance et projection dans la vieillesse, les cabanes de nos grands-parents sont nées de l’imagination du photographe N. Henry en dialoguant avec quelque trois cent grands-parents à travers le monde.
L’artiste s’imprègne de l’excentricité de ses sujets pour monter une installation à la façon d’une cabane constituée d’objets du quotidien. Les aïeuls posent au milieu de celle-ci, reflétant leurs souvenirs ou ce qu’ils aimeraient transmettre à leurs descendants. La photographie s’accompagne d’un texte de l’auteur, composé du témoignage des grands-parents.
Yeni (Bénin) raconte: « Mes rêves me disent que les morts ne sont pas morts. Quand je regarde l’être humain, je me dis qu’il y a quelque chose en nous qui ne peut pas finir, qui est infini. Je me dis que cela ne peut pas être la fin du spectacle. Je crois que notre présence reste parmi les hommes. On est né avec les étoiles, en possédant déjà notre avenir. Il faut savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on veut arriver. Chaque jour, je demande à mes ancêtres que mes enfants puissent réaliser ce que je n’ai pas pu accomplir. Quand ma femme m’a rejoint ici, la terre s’est mise à nous nourrir. Dans le tata, quand je reviens de la chasse, je sacrifie l’animal sur la motte de terre qui représente mon père. Son esprit marche devant, suivi de l’animal, et ils viennent m’apporter la chance que notre famille s’agrandisse, c’est la chance, pour nous d’être plus humain avec l’humain et plus naturel avec la nature. »
Bouziane (Marrakech): « Quand le prince visite son royaume, à chacun de ses pas, tout se transforme. Une foule de serviteurs le précède, ils repeignent murs et façades, habillent hommes et femmes avec des beaux vêtements, éloignent les mendiants et les vieillards, et taillent les arbres dans des formes harmonieuses. Tout est si beau dans le regard du prince. Et puis, après son passage, la vie reprend son chemin. L’armée du prince a planté une ceinture d’arbres autour de la ville pour empêcher les chars de venir le menacer. La beauté de la nature émerveille le prince qui se sent respirer. Vêtu de ses plus beaux habits, il chante, dans l’écho de ses palais, la chanson qu’il a entendu fredonner dans ses jardins. ‘Lève-toi et bats-toi pour tes droits, mon frère ! Lève-toi et bats-toi pour tes droits, ma sœur !’ Alors il ouvre les yeux sur ce qui fait la beauté du monde. »
Zheng Yi (Chine): « Partout autour de nous se dressaient nos maisons, de vraies maisons comme dans les dessins de nos enfants. Aujourd’hui, je n’ai plus besoin d’allumer de lumières pendant la nuit, car les immeubles sont perpétuellement éclairés. Avant, la lumière des matins tombait juste sur mon lit, le vent et le soleil m’appelaient… Je pouvais suivre la course du temps et des saisons. Mais notre maison n’est plus que ruines. Le toit de l’école de mes petits-enfants s’est ouvert vers le ciel. De leur départ, il ne reste que quelques jouets. Malgré sa fragilité, c’est cette toute petite maison colorée que j’aimerais habiter. Notre maison était façonnée de la main de mon père et de la main du père de mon père, chaque recoin était chargé de temps et de souvenir. Mais de la main de mes enfants, il ne restera que l’imagination et l’absence. »
WITHOUT YOU I AM NOTHING
Univers décalé, empreint d’une atmosphère glamour liée aux actrices de films hollywoodiens des années 1950. McDermott & McGough invitent le public à entrer dans leur monde, celui du passé qui s’inscrit pourtant dans la contemporanéité. Les oeuvres sont ainsi anti-datées 1967 bien qu’elles aient été réalisées en 2008 ou 2009. Si l’exposition précédente se présentait sous la forme de tableaux imitant les cases de bandes-dessinées, celle-ci projette directement le visiteur dans le cadre cinématographique. Medium qui a permis aux jeunes hommes d’alors de s’échapper de l’ennui de leur vie de banlieusards dans l’Amérique des années 1950-60.
Le couple recrée l’ambiance d’époque et fait revivre la beauté des actrices comme Lauren Bacall (Written on the wind), Lana Turner (Madame X), Rita Hayworth (Lady from Shanghai), sublimées dans les toiles par de gros plans sur visage. Un effet dramatique renforcé par les contrastes entre les scènes en couleur et celles en noir et blanc, qui surlignent la tristesse des héroïnes.
La décomposition des plans dans les toiles évoquent la superposition des époques vécues par les artistes et apporte une dimension narrative aux oeuvres, confirmée par le choix des titres (I’ve cried for you, What A Fool I Am, Something I’ve never had, All of me…).
Vision contemporaine du passé, douceur des couleurs surrannées, émotion troublante de ces femmes que l’on pense abandonnées… La démarche artistique de McDermott & McGough envoûte le visiteur et nourrit le foisonnement de son imagination.