Jusqu’au 08 août 2010
[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-EDVARD-MUNCH-OU-L-ANTI-CRI-EDVAR.htm]
Peintre norvégien considéré comme le plus important de son pays, Edvard Munch (1863-1944), n’a pas été exposé à Paris depuis vingt ans. La Pinacothèque ouvre le bal en proposant une nouvelle approche de son art. Non pas à travers sa toile internationalement connue, Le Cri (1893), mais un ensemble d’oeuvres issues de collections privées. De fait, jamais montrées au public. Le pire et le meilleur s’y côtoient.
L’angle de l’exposition vise à mettre en valeur la technique expérimentale de Munch dès ses débuts (1880-92). Si le jeune homme s’inspire du naturalisme de son maître, Christian Krohg, pour représenter les paysages et les intérieurs de son environnement immédiat (autour de Kristiana, ancien nom d’Oslo), l’apprenti artiste s’appuie déjà sur la nouvelle technique de l’époque, la camera obscura et la camera lucida, pour s’aider à dessiner.
Ce qui frappe dans les oeuvres de jeunesse de Munch, c’est leur caractère inachevé. Regardez les mains de la femme dans Le Baiser (1895): des pinces de crabe! La plupart de ses personnages n’ont guère de visage (plus tard, Munch osera même figurer un visage par la tête de ce que l’on appelle aujourd’hui un smiley (cf. Sur la jetée, 1912/13); ils sont d’ailleurs le plus souvent représentés de dos.
Si bien que, lorsque l’artiste est invité à Berlin en 1892, au Verein Berliner Künstler, son exposition ferme au bout d’une semaine.
La critique dénonce le côté éphémère de ses tableaux, réduits selon elle à de « grandes esquisses », à des « notes de couleurs furtives ». Alors qu’il s’agit bien là d’une marque de modernité.
En effet, le XXe siècle s’embarque dans une ère industrielle stigmatisée par la vitesse, le fragmentaire, le mouvement; comme l’atteste la naissance du Futurisme entre 1904 et 1920. Or, selon Dieter Buchhart (spécialiste de l’oeuvre de Munch et commissaire de l’exposition), Eadweard Muybridge ou Edvard Munch cherche avant tout à reproduire la trace du mouvement en peinture. Car, ne cesse-t-il de répéter: « A la source de la vie, il y a la lumière et le mouvement ».
Plus proche de la littérature et de la musique que des mouvements artistiques de son époque – en particulier, l’impressionnisme et le symbolisme français -, Edvard Munch recourt à la naissante photographie pour transcrire le mouvement, en le divisant en instantanés.
Autre technique, alors révolutionnaire, utilisée par l’artiste norvégien pour traduire la temporalité: ce qu’il appelle le « traitement de cheval ». Il « peut se définir comme la manière sans concession avec laquelle Munch attaquait l’intégrité physique aussi bien de l’application illusionniste des couleurs que celle du support des oeuvres d’art en tant que corps tridimensionnel dont il travaillait sciemment à la destruction », précise le commissaire de l’exposition.
« A l’instar de l’artiste suédois [August Strindberg], Munch intégrait par ce ‘traitement de cheval’, le facteur hasard dans son acte créateur, en ce que non content d’imiter le mode de création de la nature, il laissait bel et bien la nature intervenir directement » (Dieter Buchhart).
Les dernières oeuvres (1920-44) témoignent de l’intérêt de Munch pour la relation à l’autre, la séduction (cf. Deux personnes, 1920) mais aussi la solitude et la marginalité du peintre.
Soyons clair: Le Cri ne figure pas dans l’exposition! Marc Restellini, directeur de la Pinacothèque, se fait même un honneur de ne pas avoir fait appel ni au musée Munch ni à la Galerie nationale d’Oslo pour « pouvoir laisser la part belle à ces oeuvres qu’il n’est pas possible de voir du fait de leurs localisations privées ». En cela, l’exposition est effectivement intéressante.
Mais l’ensemble du corpus présenté semble lui-même assez expérimental. Munch est réputé pour être l’initiateur du mouvement expressionniste (cf. Le Cri, 1893). L’exposition entend démontrer qu’il n’est pas que cela. Soit. Cependant, l’avant-propos de l’exposition stipule: l’artiste « propose une puissante exploration des sentiments humains les plus profonds », ce qui donne raison au fait que l’essence de l’art munchien est expressionniste! Marc Restellini s’avance un peu vite en affirmant qu’il propose une nouvelle lecture de l’oeuvre de Munch.
Dans le même temps, le choix des oeuvres, essentiellement des paysages avec de rares humains de dos et des portraits aux traits fluides, rarement travaillés, contredit effectivement le fait qu’elles portent en elles une force tragique. Seules quelques oeuvres, en particulier les lithographies et certaines huiles (Vêtements étendus à Asgardstrand, 1902), par leur traitement des couleurs et la puissance des coups de pinceau, sont réellement bouleversantes.
D’où un relatif sentiment de déception à la sortie, attirés que nous sommes par un titre tapageur « L’Anti-Cri », qui ne tient pas toutes ses promesses.