Jusqu’au 5 septembre 2009
Musée de La Poste, 34 bd de Vaugirard 75015, 6,50€
Coup de coeur pour cette exposition sur la thématique du bestiaire d’André Masson (1896-1987). Attaché un temps au mouvement surréaliste, ce peintre dit littéraire vit fondamentalement à travers la mythologie, qui incarne pour lui la vie même, étant la seule à pouvoir sauver les hommes « dans leurs moments de déficiences – ce qui représente à peu près toute leur vie », affirmait-il…
Lors d’une visite au Metropolitan Museum de New York, où l’artiste s’est réfugié pendant la Seconde Guerre mondiale avec sa famille (sa seconde femme, Rose Maklès, belle-soeur de Georges Bataille, et leur deux fils, Diego et Luis), Masson a l’occasion d’observer des sculptures indiennes, qui lui confirment le lien intrinsèque entre l’homme et la nature.
Son intérêt pour tout ce qui peuple la campagne remonte à son enfance – il naît à Balagny (Oise) de parents d’origine paysanne – et s’accentue au cours de l’âge. Son amour de la terre culmine dans les années 1940, lorsqu’il dort à la belle étoile avec sa jeune épouse près du monastère de Montserrat (à une soixantaine de km de Barcelone). Cette expérience métaphysique – il se sent profondément en fusion avec la nature – lui inspire une série de peintures sur les insectes (Insectes, 1931) et la tauromachie (La Grande tauromachie, 1936).
Pourtant, Josette Rasle, commissaire de l’exposition met en garde. « Il ne faudrait pas croire que l’attachement organique d’André Masson à la nature date de son séjour en Espagne ou aux Etats-Unis. Dans ces pays, il ne fait qu’approfondir une réflexion et des thématiques commencées en France. »
De fait, la thématique du bestiaire apparaît dès les années 1920, lors de la brève période cubiste que vit l’artiste. D’où la présentation de l’oeuvre éponyme (1925) qui ouvre l’exposition.
Si l’influence pour tout ce qui bouge (insectes, oiseaux, chevaux, poissons, taureaux) est indéniable, le peintre la restitue intellectualisée, réinterprétée à la sauce des mythes. Les formes sont mi-humaines mi-animales, à l’image du Minotaure ou d’Icare, mi-végétales, mi-divines (Actéon dévoré par les chiens, 1942). Elles sont en mouvement perpétuel, s’accouplant, se déchirant, se poursuivant, s’affrontant. « La clé de l’oeuvre de Masson est là: tout ce qui vit, se transforme. Rien n’est jamais achevé », commente J. Rasle.
Les metteurs en scène ne s’y sont pas trompés. Il commence par des décors pour les Ballets russes (1932). Ensuite, Jean-Louis Barrault lui demande les décors et les costumes pour Numance de Cervantès (1937) et ceux de La terre est ronde d’Armand Salacrou (1938).
L’artiste réalise également de nombreuses illustrations pour ses amis écrivains (Bataille, Leiris, Limbour, Aragon, Soupault, Breton, Bataille, etc.). Lui-même fervent lecteur, il a été profondément marqué, lors d’un séjour de jeunesse en Suisse (1914), par la lecture de Nietzsche, avec qui il partage l’idée d’une force supérieure au bien et au mal. « Pour moi, c’est le désir qui est le Dieu du monde et il n’y a jamais que cela qui ait vraiment rapproché un homme d’une femme. Tout le reste est faux (par bêtise ou par calcul) », considérait-il.
L’exposition se termine sur ses oeuvres aux couleurs impressionnistes (Rascasse et grenades, 1952), d’inspiration chinoise (Chat à sa toilette, 1954; Fantaisie animale, 1955) ou de tentation abstraite (Cigale, 1954; Poisson légendaire, 1958).
« L’art si vivant de Masson est un mélange de spontanéité et de réflexion, de sauvagerie et de pathétique, nourri par son goût de l’antinomie, en particulier Eros et Thanatos et de sa relation si subtile au cosmos. […] dans son bestiaire où les animaux sont traversés par le même élan de vie et de mort, il porte l’insolite et la poésie à un point rarement atteint », affirme la commissaire.
Une oeuvre labyrinthe, à l’image du concept qui tracassait André Masson. Ses hommes-animaux lui permettent d’exprimer ses inquiétudes de citoyen (contexte historique lourd: deux conflits mondiaux et guerre civile en Espagne) et internes. Guidé qu’il était par une force démiurge à la fois destructice et créatrice.