Logée dans le magnifique écrin que réprésente le musée Cognac Jay (Hôtel de Donon), l’exposition consacrée à Marguerite Gérard (1761-1837) rend hommage à une artiste peintre qui a su se faire un nom en dehors du courant académique. Sa renommée ira même jusqu’à dépasser, de son temps, celle de son maître et beau-frère, Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), avant d’être oublié de la postérité.
Au XVIIIe siècle, une loi impose que seule quatre femmes sont autorisées à suivre les cours de l’Académie royale de peinture et de sculpture (fondée sous le règle de Louis XIV) et à exposer au Salon officiel -. Marguerite Gérard n’en faisait pas partie.
Si le fait d’entrer dans l’atelier de Jean-Honoré Fragonard, hébergé au Louvre (déserté par le roi pour Versailles) lui offre un enseignement de qualité, en 1787, Marguerite, âgée de 26 ans n’est guère reconnue pour son travail personnel.
L’exposition commence par une oeuvre clé – Le Chat angora – qui illustre la collaboration entre les deux peintres. Marguerite peint la robe en soie nacrée de la jeune femme et la teinture posée sur le guéridon. Tandis que Jean-Honoré s’attache à assembler la composition et à représenter la vieille servante, cachée derrière la porte, à la manière de Rembrandt, le chat et la boule de métal qui reflète l’atelier familial. Une scène de genre qui évoque la peinture hollandaise par l’introduction dans un même tableau d’une scène de genre, d’un portrait et d’un paysage.
Elève puis assistante et collaboratrice de Fragonard, Marguerite n’en entend pas moins être reconnue pour ses propres oeuvres. Pour cela, elle commence par réaliser de petits portraits intimes des connaissances familiales, souvent en provenance de leur ville natale de Grasse. Ses oeuvres se distinguent par leur unique format – 21 x 16 cm – et la présence systématique d’un guéridon. Comme le veut la tradition de l’époque, chaque sujet pose avec un attribut qui permet d’identifier ses fonctions. Elle peint ses portraits avec de l’huile sur bois. Prenant de l’assurance et guidée par son ambition, Marguerite profite du carnet d’adresses de son beau-frère pour s’enhardir à représenter les artistes les plus en vue de Paris. Ceux du Louvre, bien sûr, comme Hubert Robert – l’un des peintres les plus portraiturés de son temps – ou l’architecte Claude-Nicolas Ledoux. Mais aussi les artistes de l’Opéra-Comique dont la popularité et la vie souvent tumultueuse accroît la publicité de la jeune femme. Ainsi du compositeur Grétry.
En 1789, M. Gérard se tourne vers les hommes des Lumières tel Mirabeau et les mécènes. Elle accorde un soin tout particulier à l’expression de leurs visages et à la représentation de leur pose, qui reflète leur statut social.
S’étant fait un nom grâce à ses portraits, qu’elle cède souvent à titre gracieux, l’objectif ayant seulement été de faire émerger son nom des cercles artistiques, Marguerite Gérard met fin à leur production en 1791. Pour se consacrer à ce qui lui importe vraiment et ce à quoi l’a initiée Fragonard: la scène de genre – un approfondissement de ses portraits, finalement, tant ces derniers sont narratifs.
Une exposition bien montée et documentée. Une agréable surprise de rentrée!