Jusqu’au 03 octobre 2010
[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Musee-DROIT-D-ENTREE-AU-MUSEE-MQUAI.htm]
Musée du quai Branly, Mezzanine Est, quai Branly 75007
Contrairement à son habitude, le musée du quai Branly n’a pas scindé en deux sa mezzanine Est, consacrée aux expositions-dossiers. Cette innovation formelle correspond à l’approche systémique développée dans « Fleuve Congo ». Une exposition transafricaine qui établit les affinités artistiques, culturelles et cultuelles entre un ensemble de peuples, essentiellement iconophiles, d’Afrique Centrale.
L’exposition couvre au moins six pays autour du fleuve Congo, qui sert de frontière naturelle entre les tribus vivant en zone forestière et celles des savanes subéquatoriales. Il s’agit du sud du Cameroun, de la Guinée Equatoriale, du Gabon, du Congo-Brazzaville, du Congo-Khinshasa et d’une partie de l’Angola. Soit plus de 4 millions de Km2, qui ont abrité quelque 450 ethnies.
En bois, de forme concave ou en méplat (plus large qu’épais), le visage, cerné par les fronts et les joues, est recouvert d’une teinture blanche appelée mpemba.
C’est grâce aux yeux, qui voient l’invisible – l’activité des esprits -, et à la bouche que le porteur de masque entre en communication avec les ancêtres et transmet les présages et bénédictions aux siens. Si la bouche est absente, elle révèle l’obligation faite aux initiés de garder les secrets acquis lors des rites d’initiation.
Les ancêtres n’étaient pas spécialement de dignes chefs de lignée. Ils pouvaient aussi y avoir des personnes dangereuses ou décédées violemment. Il s’agit dans ce cas pour le prêtre devin (nganga) de protéger les familles contre ces esprits malveillants. A l’inverse, le sorcier (ndoki) se sert de l’énergie négative issues des morts considérés comme redoutables pour jeter des sorts.
Chez les peuples de la savane subéquatoriale tels que les Teke, Kuba et Luba, le roi occupe une place à part. Il se positionne au-dessus des ancêtres, sorte d’entité hors-norme, qui peut faire appel aux forces de la nature pour transcender des interdits (inceste, meurtre) et profiter de ses pouvoirs magico-religieux.
Les objets qui représentent les éléments naturels (eau, air, terre), appelés nkisi, sont glissés dans les orifices des sculptures ou attachés à leurs ceintures pour renforcer la présence de l’ancêtre bienveillant sur le village.
D’où l’intérêt, au début du XXe siècle, des artistes et collectionneurs – de Paul Guillaume à Charles Ratton, en passant par Derain, Picasso, et Braque – pour ces sculptures d’Afrique Centrale, alors regroupées sous le terme « d’art nègre ». Une longue frise chronologique évoque, dans la seconde partie de l’exposition, cette découverte occidentale de l’art du Gabon et des deux Congo.
Vecteur des mystères de la création, la femme de la savane, comme les porteurs de masque des zones forestières, relie l’esprit des ancêtres aux générations à venir. Sa fertilité se rapporte autant au cycle de la vie qu’à son lien avec la terre, l’agriculture. La femme est responsable de la nourriture du foyer.
D’autres royaumes, tels les Luba (sud-est de la RDC), pourtant patrilinéaires, ont également développé ce culte de la femme comme en témoigne leur statuaire. Les porteuses de coupe, objets sacrés utilisés par les hommes et femmes devins, représentent des sculptures féminines tenant entre leurs genoux et serrant dans leurs mains une calebasse de divination afin d’invoquer les esprits. La femme entend le message des génies, dont elle est le passage obligé et le réceptable sacré.
Plus de 170 pièces dont les plus célèbres sont les objets fang, lega, teke, punu, éclairent cette exposition de synthèse.
« C’est tout un patrimoine de l’humanité, si souvent morcelé en groupes ethniques séparés par frontières coloniales, qui est [ici] mis en évidence », résume François Neyt.