National Portrait Gallery, St Martin’s Place, Londres, métro: Leicester Square/Charing Cross, £9 (~13€)
Billets Eurostar Standard A/R à partir de 77€, temps de parcours: 2h35 et à partir du 14 novembre 2007: 2h15 (arrivée à St Pancras International). Réservations au 08 92 35 35 39 (0,34€/mn) ou sur le site Internet
La National Portrait Gallery défraie la chronique culturelle cet automne avec l’ouverture d’une exposition phare sur le rôle des portraits dans l’Art Pop. Le déplacement s’imposait.
Art populaire comme son nom l’indique, le Pop Art est largement symbolisé dans l’imaginaire collectif par les compositions en série et de couleur fluo d’Andy Wahrol. Notamment les têtes de Marilyn Monroe (1967). Ou encore les images façon BD de Roy Lichtenstein (cf. In the Car, 1963).
Autant vous prévenir tout de suite, si ces oeuvres sont évidemment présentes, elles ne sont guère représentatives de l’ensemble des oeuvres exposées. Tout d’abord, parce que le commissaire de l’exposition, Paul Moorhouse, s’est attaché à relever les différences de conception du Pop Art entre les artistes américains mais aussi anglais et d’autres nationalités. On a ainsi le plaisir de découvrir des oeuvres de Pauline Boty – la seule peintre femme anglaise du mouvement -, Derek Boshier (moins connu que ses compatriotes Peter Blake ou David Hockney), et cerise sur le gâteau: Juan Gris – qui se serait attendu à découvrir un des maîtres du Cubisme ici? La finalité de cette exposition n’était donc pas de présenter des oeuvres déjà connues et de traiter d’un thème, par nature, hyper médiatisé. Mais d’analyser sous un angle nouveau le rôle qu’ont joué les portraits d’idôles dans ce courant artistique. Ou, dit autrement, d’étudier la réaction des artistes face à la fascination du public pour les célébrités. La problématique de cette exposition aborde ainsi l’interaction de la population (public autant qu’artistes) avec ce qui a déclenché le mouvement Art Pop – l’émergence de la société de consommation.
Au début des années 50/60, l’American Way of Life est déjà bien répandu outre-Atlantique. Un style de vie où le confort et la possession de biens matériels deviennent un but en soi. Ce qui fascine autant que répulse les Anglais (que dire des Français?!), qui souffrent toujours des années de pénurie d’après-guerre.
Au niveau artistique, l’expressionnisme abstrait domine. Né à New York en 1946, ce mouvement prône l’expression des sentiments par des formes abstraites et colorées. Or, dans les années 1970, les artistes veulent en sortir. En utilisant les nouveaux matériaux à leur disposition – d’abord, les couvertures de magazines qu’ils déchirent pour faire des collages (cf. Head of a Man, 1956, de Nigel Henderson), puis, les faits divers qu’ils illustrent dans leur peinture (conquête de l’espace, mythe de « MM » [Marilyn Monroe], guerre du Vietnam, combats en Irlande du Nord, etc.).
Les salles de l’expostion illustrent parfaitement cette progression. D’abord des peintures qui se détachent timidement de l’expressionnisme abstrait, telle l’oeuvre de Jasper Johns (sans titre, 1954) qui représente un cadre matériellement coupé en deux avec en haut une peinture abstraite, et en bas, une tête sculptée, celle de son amie Rachel Rosenthal. Symbole du réalisme qui revient à la surface, qui s’échappe de l’abstrait. Puis, changement d’atmopshère. L’optimisme lié aux bénéfices des nouvelles technologies – ère/aire de l’Innocence (salle 5) avec Astronaut 4 (1963) de Gerald Laing, représentant J.F. Kennedy avec un casque d’astronaute dans une cabine de fusée – à la crise de confiance – ère/aire de l’expérience (salle 7). Avec l’oeuvre clé de Richard Hamilton, Swingeing London 67 (a), 1968/9 reprenant une photo parue dans le Daily Mail exposant le chanteur culte des Rolling Stones, Mick Jagger, et le galeriste Robert Fraser, menottés ensemble dans une voiture de police, accusés de recel de drogue. Des icônes déchues, s’abaissant au rang de monsieur tout le monde. Leurs mains cachent leur visage, dissimulant leur expression. Swinging London est à bout de souffle. Entre les deux (salle 6), une pièce hommage à Marilyn Monroe amorce cette période de doute. Via des oeuvres qui grattent le vernis du mythe. Les couleurs fluo des portraits de Marilyn peuvent être interprétées comme la pose d’un masque sur le visage de la jeune femme, dont on ne distingue plus finement les traits. Sa surexposition médiatique lui fait jouer un rôle, la fait entrer dans la superficialité. De même, l’oeuvre de Richard Hamilton, My Marilyn (1965), représente différents clichés de l’actrice, barrés d’une croix lorsqu’elle considérait qu’ils n’étaient pas bons. Un seul est accepté, et de ce fait est annoté comme étant « good » par l’artiste. Mais suite auquel figure la représentation de la simple silhouette de Marilyn, sans visage, comme pour mieux signifier qu’elle a perdu la notion de sa propre identité. Pire est l’interprétation de Claes Oldenburg, Ghost wardrobe for MM (1967), qui voit en la plus glamour des femmes hollywoodiennes une simple carcasse de fantôme, incarné par des cintres et des cordes.
Cette exposition, derrière l’aura qui entoure le mouvement Art Pop, sait indéniablement réinterpréter ce mouvement et l’éclairer d’une nouvelle lumière. Paul Moorhouse nous l’avait annoncé: « this show is unusual« . Parole respectée – une belle démonstration de righteousness britannique!