Jusqu’au 20 décembre 2009
Fondation Henri Cartier-Bresson, 2 impasse Lebouis 75014, 6€
Sociologue dans l’âme, le photographe allemand August Sander (1876-1964) a réalisé un portrait d’une extrême précision du début du XXe siècle. Qu’il s’agisse de la société ou de la nature qui l’entoure, comme l’illustre les photographies de la collection de la SK Stiftung Kultur (Cologne, Allemagne), actuellement exposées à la Fondation Henri Cartier-Bresson.
Une centaine de tirages pour la plupart d’époque, provenant des archives personnelles d’A. Sander (conservées à Cologne), montrent pour la première fois en France ses portraits. Mais également ses paysages et ses études de botanique.
« Rien ne me semblait plus approprié que d’offir par le biais de la photographie une image de l’actualité en restant scrupuleusement fidèle à la nature », confiait l’artiste.
Très tôt attiré par la photographie – il achète son premier appareil à l’âge de 16 ans – August (né en 1876, à Herdorf, Allemagne) fait l’apprentissage du médium auprès du peintre Georg Jung (1899-1957).
Après quelques années de voyage (1897-1910) au cours desquelles il travaille dans différents studios de photo (Berlin, Magdeburg, Halle, Leipzig, Dresde, Linz), Sander monte sa propre entreprise à Cologne.
Les affaires prospèrent. August s’entretient avec les cercles artistiques de la ville comme le groupe Kölner Progressive (autour de Franz Seiwert et Heinrich Hoerle). C’est à cette époque qu’il développe une idée de série intitulée « Hommes du XXe siècle », qui figurera dans la célèbre exposition de 1955, The Family of Man, proposée à l’initiative d’E. Steichen au Museum of Modern Art de New York.
« On me demmande souvent comment l’idée m’est venue de créer cette oeuvre: Voir, observer et penser, et la question à sa réponse », révélait l’artiste.
Dans les années 1930, Sander commence des séries – « il est le premier à avoir organisé son oeuvre en série », précise Agnès Sire, directrice de la Fondation HCB -, sur les espaces naturels, notamment les paysages du Rhin, présentés dans leur intégralité dans l’exposition.
Mais l’arrivée au pouvoir des Nazis noircit la réussite du photographe. August se réfugie à la campagne avec sa famille (Anna, née Seitenmacher, et leurs trois enfants) où il cache 10.000 négatifs. La vente de son livre Antlitz der Zeit (Visages d’une époque) est interdite en 1936 et les stocks en sont détruits. Le couple perd leur fils Erich durant la guerre (1944) et une grande partie des négatifs sont détruits lors de l’incendie de leur appartement à Cologne.
A la sortie de la guerre, Cologne achète l’ensemble des épreuves sauvegardées concernant la topographie de la ville avant qu’elle ne soit ravagée par les bombardements aériens.
Certes, August Sander était reconnu de son temps. Mais, il faut attendre 1969 pour qu’un grand musée lui offre sa première exposition personnelle posthume (MoMA).
Les photographies de Sander sont fascinantes de précision et d’expressivité. Si les visages sont sérieux, même ceux des enfants, la pose des corps prête à sourire et rend compte de l’incongruité que devait représenter l’appareil photographique à l’époque.
De même, si les habits portés ne trahissent guère la fonction des sujets photographiés, l’étude de leurs mains sont révélatrices des métiers qu’elles exercent.
Même la nature s’anime sous le regard acéré du photographe (cf. Bouleau, années 1930), qui ne manque jamais de mettre en valeur les jeux d’ombre et de lumière des ciels nuageux.
Photographie pittoresque, Le Paysan aux semailles (1952), qui rappelle Le Semeur de Millet, exprime particulièrement le lien entre l’homme et la nature qu’il façonne – concept clé de l’oeuvre d’August Sander.