Archi & BD – La Ville dessinée
Jusqu’au 28 novembre 2010
Cité de l’architecture & du patrimoine, Palais de Chaillot, 1 place du Trocadéro 75116, 8€
Toujours aussi active, la Cité de l’architecture & du patrimoine enchaîne les expositions qui mettent en valeur les débats actuels sur le cadre de vie urbain (le lot de 80% de la population française), qu’il s’agisse de l’avenir du Grand Paris, des exemples, souvent provinciaux, d’habitats écologiques ou encore de la Ville universelle, rêvée. Car les architectes ne sont pas les seuls à plancher sur la ville de demain. Les auteurs de bande dessinée les rejoignent, s’inspirant des premiers et parfois les devançant.
Dans une scénographie labyrinthesque, imaginée par Ateliers Projectiles, « Archi & BD » propose un état des lieux d’un siècle de création en BD et autant de réalisations architecturales.
« Auteurs de bandes dessinées et architectes ont en commun de travailler sur la planche. Si l’échelle et l’enjeu sont loin d’être les mêmes, tout est affaire de scénario pour installer la vie au coeur de l’espace bâti », explique Francis Rambert, directeur de l’Institut français d’architecture.
Ce que corrobore Jean-Marc Thévenet (ancien directeur du Festival international de bande dessinée d’Angoulême) et commissaire invité de l’exposition: « La ville est à l’évidence, très tôt, le ‘coeur battant’ de la bande dessinée. Dans sa version américaine, les superhéros veillent dès la fin des années 1930 sur la cité: Superman [ange gardien de Métropolis] et Batman [Gotham City] naissent à quelques mois d’intervalles. La bande dessinée est par essence urbaine ».
D’ailleurs à bien y regarder, comparez une planche de BD à celle d’une façade et observez les similitudes! La planche, avec sa forme verticale et rectangulaire, ses bandes horizontales et ses petites cases évoque l’aspect schématique d’une façade de bâtiment avec ses étages et ses fenêtres.
L’exposition débute avec le maître du 9e art, Winsor McCay, dont le personnage, Little Nemo navigue entre les buildings naissants du XXe siècle et dont la fascination pour la ville va influencer une multitude de dessinateurs tels Jean-Philippe Bramanti ou Marc-Antoine Mathieu.
La BD naît dans les suppléments dominicaux des grands quotidiens américains, les Sunday pages. Pas étonnant que New York devienne la première ville icône de la bande dessinée.
Paris prend la relève, avec certains auteurs qui en font le cadre unique de leurs récits tel Dupuy-Berberian.
Dans les années 1980, Tokyo devient la nouvelle vitrine architecturale mondiale. Le développement du manga permet autant d’aborder la convivialité de Tokyo, ville du manga par excellence (cf. Taniguchi ou le duo Boilet-Peeters), que l’envers du décor avec ses problèmes sociaux, la violence, le chaos (cf. Urasawa, Matsumoto).
Aujourd’hui, la montée des pays émergents comme la Chine, la Corée et l’Inde, font de leurs mégalopoles des sources d’inspiration inépuisables pour les auteurs de BD.
Quant aux architectes, ils n’hésitent plus, depuis l’innovation du groupe britannique Archigram (1961) à recourir au support de la BD pour dévoiler leurs idées. Citons les Suisses Herzog et de Meuron qui utilisent cases et bulles pour leur projet urbain MetroBasel (Bâle). Ou Jean Nouvel qui invite des auteurs de bande dessinée, alors que l’exposition lui est consacrée (musée Louisiana, Danemark, 2005), afin de représenter de façon sensible – les croquis d’architectes ne sont guère lisibles pour les non-initiés! – des espaces non encore construits ou dont le projet a été abandonné.
« Cette exposition dédiée aux fictions urbaines va montrer que les univers explorés par des auteurs de la bande dessinée comme par des architectes se croisent, se répondent parfois. Dans ce jeu d’allers-retours, il faut voir aussi un hommage au dessin à ‘main levée’ dans un monde envahi par l’écran », commente Francis Rambert.
Pour autant, la dernière partie « Archi & BD » s’ouvre sur l’apparition de l’outil informatique dans la création d’une BD. « Le dispositif séquentiel propre à la bande dessinée en est changé. Il peut y avoir une lecture autonome, image par image du récit. C’est une théorie émergente sur la bande dessinée: elle peut-être autant vue que lue », analyse J.-M. Thévenet.
Peintures et montages de film complètent le panorama d’une exposition bien pensée. On retrouve les dessins de nos dessinateurs fétiches, comme Jacques de Loustal ou Tardi, la délicieuse décadence des personnages des premiers auteurs de BD comme George McManus, les caricatures contemporaines et plus acides de Reiser. Entre fous rires et leçon pédagogique, une expo à voir absolument – ou au moins son blog!
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