C’est toujours un plaisir d’arriver dans un musée intimiste après avoir monté tout Paris pour atteindre la butte Montmartre, s’être perdue dans le dédale des rues, à cause des marches impraticables en vélo, le tout sous une pluie battante. Au moins, on se dit qu’on n’a pas sué pour rien!
Le musée de Montmartre présente un nouvel accrochage de ses collections permanentes et des gravures à l’eau-forte d’Eugène Delâtre & Alfredo Müller, qui ont participé à la « révolution de la couleur » autour des années 1900.
Montmartre est alors le coeur de l’Europe littéraire et artistique, faisant montre d’une effervescence théâtrale qui essaiera dans tout le continent. Une génération d’artistes y émerge, qui s’inscrit entre les grands maîtres impressionnistes des années 1875 et la première génération d’avant-garde du début du XXe siècle. Une génération marquée par le japonisme et l’expérimentation technique, notamment en matière de gravures.
Eugène Delâtre (1864-1938) fait partie de ses artistes avant-gardistes. Il commence ses recherches dans son atelier de la rue Lepic au début des années 1890. Il devient maître en eau-forte en couleurs. Il représente la Butte avec ses rues étroites et ses établissements nocturnes réputés : le Divan Japonais, le Moulin Rouge, le Bal du Moulin de la Galette. Il réalise également des portraits (Huysmans, parisiennes élégantes aussi bien que prostituées). Il collabore avec d’autres futurs grands artistes de la Butte : Picasso, Toulouse-Lautrec, Signac, Steinlen, Valadon et Müler.
Alfredo Müller (1869-1939) est accueilli dans l’atelier d’E. Delâtre à la fin des années 1890. Il produit plus de 200 gravures, en noir dont la très belle série sur Dante, et en couleurs. Il allie les nuances de l’eau-forte à des tons doux pour représenter ses actrices de prédilection : Sarah Bernhardt, Jane Avril, Marthe Mellot, ou la danseuse Cléo de Mérode.
Une centaine d’oeuvres témoigne ainsi de l’âge d’or de la gravure à l’eau-forte à Montmartre. Les oeuvres reflètent le goût de l’époque pour des effets picturaux riches. N’oubliez pas de terminer la visite par les jardins de Renoir (il y eut son atelier entre 1876 et 1877). Ils offrent une vue rare sur les vignes du Clos Montmartre.