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Étienne Dinet

Passions algériennes

Jusqu’au 15 septembre 2024

Institut du monde arabe, 1 rue des Fossés-Saint-Bernard, Paris 5e

L’Institut du monde arabe présente l’oeuvre oubliée en France d’Étienne Dinet (1861-1929). Ce peintre de l’époque coloniale s’est pris de passion pour l’Algérie, où il est devenu une figure phare après l’indépendance.

Étienne Dinet (1861-1929), Une crue de l’Oued M’ZI, 1890. Huile sur toile. Galerie Ary Jan © Galerie Ary Jan / Thomas Hennocque

Cela faisait dix ans que le commissaire, Mario Choueiry (historien de l’art) voulait organiser cette exposition. Redécouvrir et rassembler les oeuvres dispersées, les restaurer pour l’occasion a pris du temps.

Elles sont présentées dans la galerie des donateurs (niveau -1) de l’IMA. La scénographie orchestrée par Maya Nassif met en exergue la richesse de la gamme chromatique de Dinet, dont les maîtres sont Rembrandt et Delacroix – il a peint son célèbre Esclave d’amour et Lumière des yeux (1900) dans l’atelier même de ce dernier (6 place de Fürstenberg, Paris 6e).

« Rien ne prédestinait É. Dinet à devenir un peintre de l’Orient », commente Mario Choueiry. Né dans une famille bourgeoise cultivée, éduqué dès ses dix ans à Henry IV, il partage sa jeunesse entre Paris et la maison familiale d’Héricy (proche de Fontainebleau). Il intègre l’École des Beaux-Arts, puis l’Académie Julian, où il a pour professeur William Bourguereau.

Étienne Dinet (1861-1929), Les Bavards à Bou Saâda, 1896. Huile sur panneau. Galerie Ary Jan © Galerie Ary Jan / Thomas Hennocque

Dinet montre très tôt un esprit subversif et s’oppose à l’académisme ambiant, cherchant l’inspiration du côté de Jean-François Millet ou Jules Bastien Lepage. Comme le montre la première salle de l’exposition qui rassemble une série de portraits des gens de l’ordinaire.

Si la recherche de la lumière le place à côté des impressionnistes, Dinet leur reproche la dissolution des formes. Il accompagne par hasard son ami Lucien Simon, dont le frère entomologiste partait en Algérie à la recherche d’une espèce rare. Il y retourne un an après avec Gustave Migeon, futur promoteur des arts de l’Islam au musée du Louvre.

C’est ainsi que Dinet en vient à passer ses hivers en France et ses étés dans le sud algérien. En 1904, il s’installe à Bou-Saâda. Il représente les paysages (oasis, déserts), les femmes, les rites de l’islam.

Étienne Dinet (1861-1929) Deux femmes, 1927. Huile sur toile © Collection privée / D. R.

Religion à laquelle il se convertit sous le nom de Nasreddine (1913). Ce qui ne l’empêche pas de peindre des nus car selon lui « Dieu m’a donné des yeux, il me pardonnera » ! Il respecte en cela la tradition picturale occidentale. Mais contrairement aux peintres orientalistes qui ont imaginé des scènes de luxure et des Orientales sous les traits d’Européennes travesties, Dinet peint des femmes réelles. Elles n’en sont pas moins représentées comme des féminités envoûtantes.

Étienne Dinet (1861-1929), Le Lendemain du Ramadan, 1895. Huile sur toile. Paris, musée d’Orsay. Photo © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

Le peintre dénonce les injustices commises dans le pays colonisé et publie La Vie de Mohammed, Prophète d’Allah (1918), en hommage aux musulmans morts pour la France. Il réalise le pèlerinage à La Mecque (Hajj) en 1929, peu avant son décès. Il est enterré à Bou-Saâda, conformément à son souhait.

Étienne Dinet (1861-1929), La Balançoire, 1899. Huile sur toile © Musée des Beaux-Arts de Reims / Christian Devleeschauwer

Ses toiles sont ainsi plus populaires en Algérie qu’en France. L’exposition permet d’apprécier son oeuvre la plus connue (Esclave d’amour), conservée au Musée d’Orsay ; le tombeau des Califes (vers 1912-1013), qui l’émerveille plus que les pyramides égyptiennes, issue d’une collection privée ; Un forcené (vers 1904), sortie des réserves du Petit Palais, encore jamais montrée au public. Une heureuse découverte pour pacifier les âmes algériennes et françaises.

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