5 décembre – 23 décembre 2006
Galerie Brun Léglise, 51 rue de Bourgogne 75007, 01 53 59 94 00
L’art de Joël Desbouiges interpelle. Par ses compositions épurées, ses rares couleurs lumineuses qui contrastent avec des formes animalières tombantes, happées par la pesanteur. Car elles sont quasi-mortes, tel le gibier à demi vivant accroché aux esses de la réserve de son grand-père, lorsque celui-ci rentrait de la chasse.
Mais un papillon – symbole de la vie éphémère – vient regénérer cette vision funèbre. Pour mieux faire ressortir l’éclat qui se dégage de cet art profondément vivant.
Flash d’un souvenir d’enfance qui est remonté à la mémoire du peintre quadragénaire, ancien élève mais non « suiveur » – la distinction est d’importance dixit monsieur Joël aux lunettes joyeusement multicolores – de Claude Viallat (né en 1936).
De fait, Desbouiges fait ses armes à l’école des Beaux-Arts de Limoges, où C. Viallat enseigne. D’après l’intéressé, le seul élément que l’étudiant emprunte au maître concerne l’utilisation de toiles libres, sans châssis. Pour le reste, aucune comparaison ne serait possible. « Tandis que les autres élèves le copiaient tous », se moque-t-il avec son accent roucoulant du sud!
Lui, emprunte une voie toute personnelle, qui s’amorce par des monticules de couleurs formant les contours de géants préhistoriques, nus, dans des scènes de combat. Ils/elles – le visage est animalier, avec un bec crochu en guise de nez tandis que le corps, de couleur souvent neutre, montre un ventre bombé et une forte poitrine – recouvrent des toiles de coton – sans châssis, en effet – immenses : 3×2,20m voire 6×2,20m!
Puis, vient la série des losanges – peintures hybrides (1981-86). La partie inférieure du losange, en toile, se replie, idéalement par le geste du spectateur qui prend l’initiative de toucher la peinture – oh sacrilège! Apparaît alors une surface fleurie telle une tapisserie ou des roses comme tracées à l’encre de Chine.
De 1988 à 1989 J. Desbouiges commence à explorer la forme de la jarre (série Vie Coyes), en particulier l’albarello (1990-96)- ces anciens pots de faïence que l’on trouvait – paraît-il! – dans les pharmacies de l’époque. L’artiste explore cette forme – finalement inverse à celle du losange – pendant six ans. Puis l’envie s’échappe car des grands peintres contemporains – dont il taira le nom par courtoisie – osent lui chiper son idée…
Progressivement, la couleur se fait moindre. Et, commence à apparaître un petit élément qui deviendra sa signature. Dans Anacoluthes (1997-2004), il s’agit d’un passereau – si ma mémoire est bonne car le débit du peintre est aussi volubile que ses toiles appellent le silence – posé délicatement sur le tableau.
Tandis que les formes abstraites qui occupent le reste de la composition sont peintes sur l’arrière de la toile. L’artiste en effet entend se jouer des institutions qui, dans les années 1990, refusaient d’acheter de la peinture. Seules les installations audiovisuelles les intéressaient. « Très bien », réplique Joël. « vous ne voulez plus de peinture, et bien je vais la cacher! »
Dans ses séries papiers – toujours réalisées en parallèle à ses peintures, sans qu’elles soient pour autant des esquisses – cette méthode inédite implique une feuille de papier calque déposée sur la toile, où sont peintes des formes plus ou moins abstraites, de manière à ce que ces dernières apparaissent par transparence.
Un papillon – et j’en viens à sa série Resserres (depuis 2004) – est découpée dans la feuille calque. Dans les toiles, ce petit insecte lépidoptère est peint avec de l’acrylique dans des couleurs douces. Il est là pour rappeler que le tableau est un objet en soi. L’artiste veut ainsi redonner de l’importance au support dont le droit à l’existence est souvent bafoué comme le révèle l’expression « voir une exposition de peinture » et non « une exposition de tableaux/toiles ».
Enfin, une bande de couleur latérale et inégale vient déstructurer une composition trop parfaite, mais qui n’en reste pas moins, comme malgré elle, équilibrée.
Joël Desbouiges aime prendre le contrepied académique. Son art s’inscrit dans une tradition résolument populaire. Une tendance qui va prendre toute son ampleur dans son prochain projet: installer ses Resserres dans un cadre on ne plus naturel – les différents musées de la chasse, de France et d’ailleurs.
Heureux de pouvoir suivre les traces de ton oeuvre depuis chez moi, grâce à ma connection toute nouvelle comme « astronaute 008 »! J’apprécie beaucoup la continuité donnée aux images-verso découvertes avec grand intérêt lors de ton expo s/Limoges! Je suis sensible à l’appellation ‘entre vie et mort’, qui porte haut ce qu’elle souligne… Je salue bas l’Artiste, avec toute mon Amitié! Alain DAVID