Les artistes et le sport (1870-1930)
Jusqu’au 1er septembre 2024
Musée Marmottan Monet, 2 Louis-Bailly, Paris 16e
Le musée Marmottan bénéficie d’une situation idéale – entre Roland-Garros, le stade Eiffel, le Parc des Princes – pour promouvoir le sport à travers l’art. Il présente ainsi pour la première fois une exposition consacrée au sport à travers une sélection d’oeuvres sur des supports variés. Une exposition qui a reçu le label de l’Olympiade culturelle.
Au XIXe siècle, le sport est réservé à l’élite qui a du temps libre pour pratiquer. Après la guerre de 1870, la France est en admiration devant tout ce qui vient d’Angleterre. C’est ainsi que la pratique de l’équitation se développe dans l’Hexagone. Chez les Anglais, le sport devient très vite professionnel. Chez les Français, il reste longtemps un loisir. On observe cette dialectique dans l’oeuvre de Benjamin Herring II sur un départ de courses (1867), confrontée à celle d’E. Degas représentant une course « du dimanche » entre gentlemen (1862-1882).
Entre ces deux artistes se situe Alfred Sisley, artiste anglais qui réside en France. Grâce au soutien financier du collectionneur Jean-Baptiste Faure, il se rend trois mois en Angleterre pour illustrer la Moseley Regatta qui se déroule sur la Tamise près de Hampton Court (Surrey). À son retour (octobre 1874), il initie son ami Gustave Caillebotte à ce sport d’eau, qui deviendra féru de régate « au point de construire lui-même ses bateaux », commente Bertrand Tillier, un des trois commissaires de l’exposition. Ces scènes de plein air permettent aux impressionnistes de renouveler le genre du paysage grâce aux jeux d’eau, de lumière, et des drapeaux virevoltant dans le vent.
Dans Le Plongeon, baigneurs, bords de l’Yerre (1878), Caillebotte évoque l’aviron et les régates mais les relègue au second plan pour se concentrer sur le plaisir de la baignade de jeunes gens, avec une emphase sur les jeux de lumière sur l’eau représentée de manière fragmentée.
Deux oeuvres aux accents cubistes présentent l’une le rugby, l’autre le cyclisme. André Lhote traduit les mouvements du corps par des formes décomposées et des couleurs chamarrées (Partie de rugby). Dans Au vélodrome (1912), Jean Metzinger s’inspire de la course Paris-Roubaix pour faire le portrait du champion Charles Crupelandt en brouillant les plans – sa tête par effet de transparence est traversée par les spectateurs des gradins arrières – et joue avec les collages de papiers journaux ; « un prêt exceptionnel en provenance du Guggenheim de Venise », précise Érik Desmazières, directeur du musée Marmottan.
Entre ces deux oeuvres, les Joueurs de football de Harald Giersing (1917) ont des formes plus fluides mais la décomposition du mouvement est toujours à l’oeuvre.
En revanche, style purement impressionniste pour Les Patineurs à Giverny de Monet (1899).
La suite du parcours présente des caricatures délicieuses d’Honoré Daumier sur l’apprentissage de la nage notamment (Mon fils, la vessie a été donnée à l’homme pour affronter les flots !, 1854), des affiches de sports d’hiver associés à l’élégance de dames dévalant les pistes (Jules Abel Faivre, Sports d’hiver, Chamonix, 1905 et Pierre Gatier, La Skieuse, 1909). Un beau pied de nez à Pierre de Coubertin qui ne voyait les femmes compétentes que pour la remise des prix aux hommes.
Des médailles et des plaques de participation aux jeux sont présentées, dont celle de Suzanne Lenglen (toc encore !), en contrepoint de Partie de tennis d’Octave Guillonnet (1925), de facture post-impressionniste, avec des joueurs élégants au jardin du Luxembourg.
L’avant-dernière section fait un focus sur les enseignements de la chronophotographie qui permettent un rendu de la décomposition des mouvements. Comme dans les sculptures presque futuristes de Pierre Toualgouat, le corps devient une machine dont le geste est fractionné, d’un point A au point B (La Course, le Phénakistiscope, Dr Paul Richter, vers 1895 ou La décomposition des mouvements de Robert Lotiron, vers 1932).
L’exposition se poursuit au sous-sol avec entre-autres une oeuvre méconnue du Brésilien Vicente Do Rego Monteiro (Les Boxeurs, 1927) et celle de Kees Van Dongen dont les cavaliers aux couleurs fauves terminent ce parcours avec magnificence.