Desiree Dolron
Exaltation – Gaze – Xteriors
Institut Néerlandais, 121 rue de Lille 75007
9 novembre – 20 décembre 2006
01 53 59 12 40
Desiree Dolron est très connue aux Pays-Bas, beaucoup moins en France. C’est dans cette optique que l’Institut Néerlandais présente l’exposition de trois séries de ses photographies prises des années 1990 à nos jours. Afin de montrer l’amplitude et la majesté violente de son oeuvre.
Désirée Dolron (née en 1963) est une grande femme à la crinière cuivre qui dégage autant de mystère et d’appréhension que ses photos.
Difficile de lui parler entre les retentissements incessants de son téléphone
portable et sa visible inaisance à communiquer avec les journalistes. Pour une raison linguistique d’abord – elle parle le néerlandais et se débrouille en anglais. Mais il lui faut une traductrice pour exprimer des termes précis ou dialoguer avec les Gaulois! Alors on doit s’en remettre à la charmante commissaire Marieke Wiegel et à – on l’espère – la fidélité de sa traduction.
L’exposition s’organise à rebours dans le temps, avec la présentation de la dernière série Xteriors (2001/6), dont certains portraits de femmes tels Xteriors IV ont rendu Desiree Dolron célèbre internationalement.
Il s’agit de portraits traités numériquement. Pourtant, il s’en dégage une nette influence de la tradition picturale flamande, notamment La Leçon d’anatomie de Rembrandt, ou des tableaux fin de siècle du peintre danois Vilhelm Hammershoi (1864-1916). On pourrait y ajouter une troisième source d’inspiration, plus contemporaine – celle du film Cris et Chuchotements de I. Bergman, en particulier dans Xteriors I. L’artiste joue avec les profils, les ombres, les clairs-obscurs.
Sa démarche artistique commence par une rencontre avec une femme, une jeune fille, un enfant, à qui elle va demander de poser. Ce ne sont donc pas des modèles professionnels. Dolron les habille de costumes d’époque ou les déshabille comme dans sa série Glaze qui se passe sous l’eau. Elle prend la photo puis la retravaille jusqu’à la perfection, pixel par pixel, pendant des mois. D’ailleurs le carton d’invitation au vernissage ne correspond pas tout à fait à l’image du portrait exposé dans la salle. Insatisfaite, Dolron avait entre temps peaufiné son portrait pour donner à la peau de la jeune femme une couleur si blanche, purifiée.
Thème de l’épuration donc. On le retrouve dans la série précédente, Glaze (1996/8). L’artiste a fait poser des gens de longues heures sous l’eau pour les faire approcher de l’état de transe. Son but: représenter des états anormaux, en dehors du mode de fonctionnement biologique, mais qui restent conscients. Une référence à l’oeuvre de Bill Viola, dont les vidéos présentent des modèles immergés.
Cette transe reste une expérience profane. A l’inverse de sa première série, Exaltation (1991/9) qui, à la façon d’un documentaire, rapporte l’expérience religieuse poussée à son paroxysme. L’artiste s’est rendue en Egypte, en Inde, en Malaisie, au Maroc, au Pakistan, aux Philippines et en Thaïlande pour photographier les rituels des catholiques (Philippines) et hindouistes (Inde) fanatiques. Des photos couleur bronze de corps volontairement mutilés, percés qui choquent et tendent au sensationnalisme. Pourtant, telle n’est pas la finalité de Dolron. Elle se dit juste – et elle semble sincère – intriguée par cette violence sacrée. Elle qui est athée.
Cette étonnante exposition s’inscrit dans le cadre du Mois de la Photo à Paris – dont la manifestation principale aura lieu au Carrousel du Louvre du 16 au 19 novembre 2006. L’oeuvre de Dolron joue avec les frontières de la vie et de la mort, du conscient et de l’inconscient, du présent et du passé. Elle offre une lecture très personnelle de la démarcation entre l’apparence, la perception et la réalité. Absolument perturbant et majestueux.
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