Jusqu’au 25 février 2019
Catalogue de l’exposition :
Centre Pompidou, Galerie 1, Niveau 6, Paris 4e
De 1907 à 1917, le cubisme a révolutionné différentes formes d’art. Peinture, sculpture, mais aussi poésie ou encore édition. Le Centre Pompidou revient sur ces années qui ont donné naissance à l’art moderne, de Paris – sa ville de naissance -, à l’internationalisation du mouvement. Avant son effondrement suite à la Grande Guerre.
Le parcours débute avec des oeuvres de Gauguin – le premier à initier la taille directe du bloc et sa polychromie – et de Cézanne, « notre père à tous », selon Pablo Picasso.
Cézanne, en effet, introduit la géométrie des lignes. D’abord timidement, comme dans La Femme à la cafetière (1890/95) où elle se perçoit dans un axe horizontal qui part de la raie des cheveux de la femme au pli central de sa robe. Puis dans son portrait, plus audacieux, d’Ambroise Vollard (1899), son marchand d’art. Le portrait est fondé sur un jeu de lignes perpendiculaires et traduit en image ce qui sera la maxime annonciatrice du cubisme : « traiter la nature par le cylindre, la sphère, le cône… »
La première salle met également en avant une des sources primordiales des artistes avant-gardistes : les arts extra-européens ou arts primitifs. Picasso s’en inspire fortement dans son portrait de Gertrude Stein (1905/06), qui annonce la fin de sa période rose. En atteste une série de dessins préparatoires pour Les Demoiselles d’Avignon (1907), considérée a posteriori comme la première oeuvre cubiste. Yeux exorbités, nez triangulaire, hachures évoquant les scarifications relèvent ainsi de la statuaire africaine, mais aussi ibérique. En face, des sculptures de Derain (Nu debout et Homme accroupi, 1907) se caractérisent par leur respect du bloc et de sa rugosité, son aspect non fini et une forte géométrisation.
Viennent ensuite les paysages de Georges Braque, autre artiste majeur de l’avènement du cubisme. Ses maisons aux formes éclatées, ses plans sans perspective font dire au critique d’art Louis Vauxcelles qu’il « méprise la forme, réduit tout, sites et figures et maisons, à des schémas géométriques, à des cubes ». D’où naissance du terme cubisme.
Guillaume Apollinaire, un des premiers défenseurs de cette révolution artistique, décrit le cubisme « authentique » comme l’art de peindre de nouvelles constellations avec des éléments formels empruntés, non à la réalité de vision, mais à celle de la conception » (« De la peinture moderne », Der Sturm, 1913).
Dans cette période, la forme est suggérée par l’imbrication de plans-facettes et de lignes structurelles », commente Christian Briend, co-commissaire de l’exposition. « Les couleurs sont réduites à des camaïeux de gris bruns, qui rendent les représentations hermétiques sans pour autant glisser jusqu’à l’abstraction, grâce aux trompe-l’oeil », ajoute-t-il.
L’exposition retrace l’exposition des oeuvres telles que le public parisien a pu les découvrir aux Salons cubistes (1911-1912). Albert Gleizes, Fernand Léger, Jean Metzinger exposent ensemble. Raymond Duchamp-Villon propose une Maison cubiste qui fait scandale.
Après une grande salle consacrée aux collages et assemblages initiés par Braque et Picasso, la couleur revient. Dans le Bal Bullier (1913), Sonia Delaunay prend le prétexte de la danse pour représenter le mouvement avec des formes-couleurs. Les couples de danseurs sont représentés par des arabesques colorées, tourbillonnant sous le halo des globes électriques du dancing du boulevard Saint-Michel. Le mouvement incarne ici le dynamisme de la vie moderne, qui favorise l’éclatement de la forme et sa dissolution en plans abstraits. Francis Picabia ira plus loin encore dans la voie de l’abstraction.
A partir de 1913, les Salons cubistes s’internationaliser : ils exposent des oeuvres de Piet Mondrian, Alexandre Archipenko, Kasimir Malévitch.
Mais la Première Guerre mondiale sonne le glas des Salons. Les artistes parisiens se dispersent. Picasso, non mobilisé, réalise le décor du ballet Parade de J. Cocteau (musique d’Erik Satie). Si ses décors et certains costumes restent cubistes, son rideau de scène revient à la figuration.
En 1919, selon Blaise Cendrars, « le cube s’effrite ». Mais la leçon de simplification et de géométrisation du cubisme devient le langage de la modernité. Si Chagall affirme ne pas avoir été passionné par l’aventure cubiste, ses oeuvres attestent des emprunts qu’il lui fait (Les Portes du cimetière, 1917). Le mouvement nourrit également l’évolution du langage de Matisse. Porte-fenêtre à Collioure (1914) est constitué de plans colorés, sa Tête blanche et rose (1914) reprend le principe des papiers collés. Duchamp radicalise le concept de l’assemblage avec le ready-made. Sa Roue de bicyclette posée sur un piédestal devient sculpture.
Un parcours complet (voire épuisant car il y a beaucoup à ingurgiter !) avec quelques oeuvres célèbres et bien d’autres moins connues. Si la thématique est vernaculaire, les oeuvres nous réservent de belles surprises. Mes sections préférées concernent la sculpture, particulièrement bien représentée dans l’exposition, avec Derain, Brancusi, Henri Laurens, Modigliani, Jacques Lipchitz, et un surprenant Cheval de Raymond Duchamp-Villon.