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La couleur parle toutes les langues

Oeuvres choisies de la collection Al Thani

Jusqu’au 05 octobre 2025

Hôtel de la Marine, 2 place de la Concorde, Paris 8e

La nouvelle exposition de la Collection Al Thani présente une sélection d’oeuvres principalement extra-européennes regroupées autour de leur couleur. Ces objets d’art précieux et emblématiques vous emmènent loin de la grisaille automnale parisienne !


Élément d’incrustation en forme de tête. Égypte, Nouvel Empire, époque ramesside, XIXe – XXe dynastie, vers 1292-1070 av. J.-C. Verre © The Al Thani Collection 2019. All rights reserved. Photography by Prudence Cuming Associates Ltd.

La perception de la couleur a été étudiée dès la Grèce antique. Elle se réfère à la surface colorée dont la nuance varie en fonction de la luminosité. Aristote établit un système de classification chromatique du sombre au lumineux, qui est appliqué en Europe jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Au XVIIIe siècle, Isaac Newton réalise que la perception physique de la couleur est une propriété de la radiation de la lumière. Au XIXe siècle, les scientifiques déchiffrent le processus physiologique de la perception de la rétine. Au XXe siècle, la compréhension de la couleur ne se limite plus aux neurosciences. Elle est en partie conditionnée par notre héritage socio-culturel.

C’est précisément ce que met en valeur le parcours de l’exposition à travers le choix de six couleurs monographiques emblématiques : le noir cosmique, le blanc lumière, le rouge vital, le vert végétal, le jaune d’or et les bleus précieux.

Parmi les pièces sélectionnées, on distingue dans la galerie introductive un vase en verre soufflé couleur bleu saphir, serti d’anses dorées, en provenance de Florence ou de Pise (ateliers Médicis, fin du XVIe siècle et le début du XVIIe siècle) et une coupe formée d’un nautile à la surface nacrée (Cologne, vers 1600-1630) faisant face à une statue grecque antique de Victoire.

Vue de l’exposition © The Al Thani Collection, Photographs by Marc Domage

Le noir représente la nuit magique, telle cette boîte en laque décorée d’une lune formée de fines paillettes d’or et d’argent et d’étoiles perlées (Japon, vers 1920, signée Kisai). Il incarne aussi la nuit abyssale, représentée par une longue branche de corail noir, inquiétante, qui semble surgir des profondeurs de la mer. Le corail noir, plus rare que le rouge, se développe dans les océans où la lumière ne filtre pas.

Vue de l’exposition © The Al Thani Collection, Photographs by Marc Domage

Le blanc, comme le noir, ne forme pas une couleur au sens physique du terme, mais possède de nombreuses significations culturelles. Symbole de pureté, il est associé à la piété et à l’humilité en Occident et dans l’Islam, tandis qu’il constitue la couleur du deuil en Asie. Sa connexion au divin est liée à sa réflexion de la lumière. On s’émerveille dans cette vitrine d’une gogotte de trente millions d’années, issue des bassins sableux de Fontainebleau, qui servait d’ornementation pour les jardins de Versailles sous le règne de Louis XIV. Et d’une amphore en cristal de roche de l’Empire romain, matériau difficile à extraire à qui l’on prêtait des vertus médicinales et spirituelles.

Vue de l’exposition © The Al Thani Collection, Photographs by Marc Domage

Le rouge est traditionnellement associé au sang, à la force, et à la passion. Comme le bleu, il sert de couleur d’apparat pour les vêtements de l’élite. En atteste un fragment d’une robe en satin de soie brodé, illustré de dragons. En face, une tête de figure royale en jaspe rouge de l’Égypte ancienne, peut-être celle de la reine Hatchepsout, jouxte une parure en or et grenat de l’époque hellénistique. Sans oublier la base d’un narguilé en verre rouge (Inde, dynastie moghole, vers 1700-1750), couleur fréquemment utilisée dans les arts décoratifs islamiques.

Vue de l’exposition © The Al Thani Collection, Photographs by Marc Domage

Le vert est associé à la fertilité et à la régénération. Le jade est considéré comme plus précieux que l’or chez les Olmèques et les Mayas. Il est associé à la symbolique du maïs, qui acquiert une importance vitale dans la culture agricole et la conception du cosmos en Mésoamérique. Dans les îles du Pacifique, les pierres de couleur verte sont essentielles pour la réalisation d’objets liés au pouvoir et au sacré.


Pendentif reliquaire. Paris, 1350-1370. Or, dent © The Al Thani Collection 2018. All rights reserved. Photographs taken by Todd White Art Photography

Le jaune est, après le rouge, le noir et le blanc, un pigment maîtrisé dès la Préhistoire. En Chine, il est associé à l’Empereur et, de manière générale en Asie, il incarne équilibre, harmonie et sagesse. En Occident, l’or est le matériau de l’incarnation de la lumière du divin sur terre.

Vue de l’exposition © The Al Thani Collection, Photographs by Marc Domage

Enfin, le bleu est valorisé pour sa grande gamme chromatique, allant du gris au vert. C’est la couleur du lapis-lazuli, pierre semi-précieuse importée d’Afghanistan, qui dispose d’une forte valeur marchande et symbolique, étant liée au ciel et au divin (cf. l’incrustation en forme de tête, peut-être d’Amon, souvent représenté avec une peau bleue, vers 1292-1070 av. J.C.). C’est aussi la couleur de la turquoise, issue de gisements d’Iran ou d’Égypte.

Une sélection d’oeuvres d’un raffinement extrême, mises en scène dans une galerie à l’atmosphère mystérieuse, tel un cabinet d’art caché, qui ravit d’autant le visiteur de connaître ce jardin secret !

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