Histoire(s) de la photographie
#ExpoCorpsàCorps
Jusqu’au 25 mars 2024
Centre Pompidou, Niveau 6, Galerie 2, Paris 4e
Le Centre Pompidou propose une histoire de la photographie autour de la thématique de la figure humaine grâce à la réunion des oeuvres de la collection du Musée national d’art moderne et celles du collectionneur privé Marin Karmitz.
Des premiers visages aux représentations de corps fragmentés, en passant par les Trophées (1987) d’Annette Messager, le parcours interroge sur le rapport entre le sujet et l’auteur, la création des identités et leur diffusion. Sans oublier la notion même de collection : comment l’enrichir et la faire vivre ?
Les premières photographies de visage au début du XXe siècle nous semblent bien loin des selfies d’aujourd’hui ! Les avant-gardes s’emparent du genre pour l’extrapoler de son contexte et former des plans rapprochés de visages anonymes, jouant sur les compositions.
Johan van der Keuken réalise une oeuvre poétique et expérimentale dès ses 17 ans. Il recherche « l’histoire d’une atmosphère » – à l’encontre de l’instinct décisif – dans ses portraits de deux soeurs (Yvonne et fleurs, vers 1956).
Si le philosophe Emmanuel Levinas avance qu' »il y a dans le visage une pauvreté essentielle ; la preuve en est qu’on essaie de masquer cette pauvrerté en se donnant des poses, une contenance », le visage de Nusch Eluard pris par Dora Maar semble le contredire tant son regard est expressif, au-delà de la pose de ses mains autour de la bouche.
Et que dire du Joueur de billes à Java de Gotthard Schuh (1938) ?!! La pose digne d’une danseuse de ballet d’un jeune garçon en train de lancer sa bille sera même immortalisée dans la mythique exposition « The Family of Man », organisée par Edward Steichen au MoMa de New York (1955). « Exposition qui est entrée dans le patrimoine immatériel de l’UNESCO », précise Julie Jones, co-commissaire de l’exposition.
Mathieur Pernot détourne l’usage des photomatons, apparus dans les années 1920 à l’usage des contrôles administratifs et policiers, pour capturer l’image d’enfants tsiganes. Ou plutôt ce sont les enfants qui transgressent les règles d’usage : être assis, le visage découvert (Priscilla, Cabine du photomaton, 1995).
W. Egene Smith se désengage de sa collaboration avec le magazine Life en 1954. Il s’installe à New York trois ans plus tard, dans la 6e Avenue. Depuis sa fenêtre, il guette les passants et photographie la vie urbaine, usant de ses six appareils pour varier les angles, les cadrages, les effets (As from My Window I Sometimes Glance, 1957). Sur l’une d’elle, d’un fond noir flouté, une femme noire, tout de blanc vêtu, traverse la rue. Magistrale.
Lukas Hoofman caputre également les passants, à Berlin. Il réalise lui-même ses tirages et amplifie la matérialité de ses sujets : on voit les fils de coton du t-shirt, la chevelure soyeuse d’une enfant.
Chaque section apporte une pierre angulaire à cette proposition d’histoire de la photographie. Un parcours éclairant ; amateurs, courrez-y !