Jusqu’au 8 juin 2008
Institut Néerlandais, 121, rue de Lille 75007, 01 53 59 12 40, 4€
Christian Boltanski, Anish Kapoor, Thomas Schütte, Bill Viola, Jeff Wall…L’Institut Néerlandais présente une sélection emblématique de la collection internationale de Pont de Tilburg. Bluffant!
La collection De Pont – fondation privée d’intérêt public – est créée en 1992, grâce à l’héritage financier du juriste d’afaires J. H. de Pont (1915-1987). Hendrik Driessen, son directeur, rapporte avec émotion comment il a choisi des oeuvres, ex nihilo. « D »habitude, une fondation se crée suite à un legs d’oeuvres, qu’il faut ensuite enrichir. Là, on m’a demandé de constituer une collection à partir de rien. J’ai voulu apporter un regard éclectique sur l’art en représentant des artistes de toutes les nationalités ».
La sélection présentée à Paris satisfait divers critères. « Elle devait refléter le sentiment qui naît lorsque le visiteur entre dans l’ancienne filature de laine rénovée de Tilburg (à une heure d’Amsterdam) et découvre les oeuvres réparties entre la grande salle éclairée et les ‘réduits à laine’ plus intimes », explique H. Driessen. Les oeuvres devaient également être transportables en camion! Une condition de nature pratique, certes, mais sine qua none.
Pourtant, on peut noter dès l’entrée de l’exposition, sur le palier du RDC, une sculpture imposante de Thomas Schütte (né en 1954, Allemagne), Grosse Geister (littéralement Grand Esprit, par extension Esprit Saint). Cette figure humaine en aluminium adopte la posture des statues ou des monuments dédiés aux puissants du monde. Mais celle-ci donne plutôt l’impression d’avoir été parachutée de Star Wars! En s’approchant, notre reflet nous renvoie une image déformée. Une manière pour l’artiste de se moquer gentiment de l’importance que nous accordons à notre image.
Les uns préfèreront continuer la visite par la salle inférieure pour voir Anish Kapoor (né en 1954, Inde), Bill Viola (né en 1951, Etats-Unis), Jeff Wall (né en 1946, Canada), ou encore Tacita Dean (née en 1965, Angleterre).
Les autres seront d’abord attirés par Bernard Frize (né en 1949, France), Rosemarie Trockel (née en 1952, Allemagne), Roxy Paine (né en 1966, Etats-Unis), Christian Boltanski (né en 1944, France), pour ne citer que les plus connus.
L’accrochage des pièces n’est en rien laissé au hasard. Prenons l’exemple de la « peinture en laine » de Rosemarie Trockel. Elle s’affiche comme une peinture abstraite, avec un carré noir dans le coin inférieur droit, en référence à celui de Kazimir Severinovich Malevitch (1878-1935) et comporte dans la partie supérieure la célèbre citation de Descartes, tissée à la laine (« cogito, ergo sum« ). Pour dénoncer avec ironie le machisme de la répartition des rôles – pourquoi le génie serait-il réservé aux hommes?, demande l’artiste. Le carré noir de l’oeuvre s’aligne dans la diagonale de ceux de Christian Bolstanski, autre artiste majeur du minimalisme abstrait. Mais une surprise de taille vous attend en soulevant les toiles funèbres de C. Boltanski…
Entre ces deux oeuvres se situe Crop (récolte) de Roxy Paine. Un champ de pavots qui paraît directement sortis de terre! Oh la belle nature…Sauf que l’artiste a réalisé les pavots en matière synthétique, les à peints à la main. Et les pavots, ça sert à produire de la drogue… D’où la double illusion – l’innonence de la nature et ce semblant de réalisme – qui fait le lien avec les pièces abstraites qui l’entourent.
Que ceux que l’art contemporain effraie se rassure. Un livret accompagne la visite et vous donne les clés de lecture des oeuvres. Indispensables à leur appréciation tellement elles sont déroutantes. Une exposition qui interpelle et propose une approche intelligente de l’art contemporain. En sortant, on se damenerait pour se ruer à Tilburg et voir l’ensemble de la collection!