Faire son temps
Jusqu’au 16 mars 2020
Centre Pompidou (entrée par la r. Beaubourg pendant les travaux), Paris 4e
Bernard Blistène (directeur du Musée national d’art moderne) a invité Christian Boltanski (né en 1944, à Paris) a exposé son travail, 35 ans après sa première rétrospective au Centre Pompidou.
Le ton est donné dès l’entrée de l’exposition avec une vidéo du début de carrière (1969) de l’artiste L’Homme qui tousse, ou plutôt qui vomit du sang. Son horrible qui se perçoit dans toute la première salle.
S’ensuit une série de portraits de Boltanski, pris sous divers angles à des âges différents (27 possibilités d’autoportraits, 2007). Ils font écho aux photographies de l’artiste à différents âges projetées en boucle sur un rideau de cordes. Le visiteur entre dans ce corridor et découvre de dos l’artiste qui vieillit avant de retourner à l’enfance, dans un cycle infini.
Les salles suivantes introduisent ses oeuvres avec des lampes qui illuminent des portraits – une installation amorcée en 1986 dans la Chapelle de la Salpêtrière à Paris. Parallèlement, on entend les battements de coeur de son installation de 2005. Ici chaque battement est relié à une ampoule qui s’allume et s’éteint. L’oeuvre fait référence aux Archives du Coeur. C. Boltanski a créé sur l’île de Teshima (Japon) un lieu où les pèlerins peuvent venir écouter les battements de coeur (plus de 70.000 à ce jour) enregistrés.
Plusieurs petites salles introduisent l’installation majeure d’empilement de boîtes en fer tels des gratte-ciels (Réserve : Les Suisses Morts, 1991). A l’image de la vie humaine, elles peuvent s’écrouler à tout instant.
Misterios (2017) diffuse sur trois écrans des trompes que l’artiste a fabriquées avec l’aide d’ingénieurs acousticiens pour parler avec des baleines, espérant qu’elles lui révèlent le secret des origines de la vie humaine sur Terre.
Les piles de manteaux noirs (Le Terril Grand-Hornu, 2015) sont une reprise de Personnes, oeuvre réalisée pour Monumenta au Grand Palais (2010).
« Le principe, c’est comme lorsqu’on ouvre son frigidaire pour faire un repas, on trouve une carotte, une tomate, un oignon et on les fait revenir pour faire une sauce. Je fais revenir – dans tous les sens du terme – mes oeuvres », commente C. Boltanski.
La dernière salle présente des personnages composés de planches de bois d’après la figure de Giacometti L’Homme qui marche (1962) sur lesquelles sont déposés un manteau noir (Prendre la parole, 2005). Quand on s’approche d’elles, elles « parlent ».
Au fond de la pièce, deux installations, une en hiver (Animitas blanc, 2017) et une en été (Animitas Chili, 2014) représentent un paysage dans lesquels des petites clochettes sont accrochées à de longues tiges et bougent en tintant au rythme du vent.
Le parcours se clôt sur Passage (2019), seule oeuvre nouvelle : vidéo-projection d’une foule vue de dos, disparaissant peu à peu.
Pour l’artiste, l’ensemble de l’exposition compose son oeuvre. Le visiteur n’est pas devant une oeuvre mais à l’intérieur de l’oeuvre. C. Boltanski est conscient que ses oeuvres, aux matériaux relativement éphémères, sont amenées à être détruites – lui-même a détruit un certain nombre de ses premières peintures – mais que leur légende survivra grâce à la transmission orale.
La musique et les oeuvres qui parlent du temps qui passe, de la mort, concurrent à une ambiance oppressante. Pas de textes dans le parcours – hormis des néons qui écrivent « départ » à l’entrée de l’exposition et « arrivée » à la sortie. Une exposition difficile émotionnellement mais incontournable.