Jusqu’au 13 septembre 2008
Musée de La Poste, 34, bd de Vaugirard 751015, 5€
Qui est Charles Lapicque? Oublié de nos contemporains, Charles Lapicque (1898-1988) était pourtant jugé parmi les dix peintres les plus importants de l’art occidental d’après André Breton! Le musée de la Poste nous offre un rafraîchissement de mémoire indispensable et dévoile un artiste rattaché à la Nouvelle Ecole de Paris, dont l’oeuvre a tant perturbé les critiques d’art…
Avec 85 huiles sur toile et papier et un cabinet de 60 dessins, l’exposition du musée de La Poste entend non seulement présenter les oeuvres les plus connues de Charles Lapicque – celles à partir de 1939 -, mais aussi révéler celles qui précèdent cette date charnière.
Charles Lapicque, ingénieur électricien, se passionne pour la peinture dès les années 1920. Peintre autodidacte, il apprend à dessiner au lycée puis à l’école Centrale de Paris!
Son talent le fait repérer par le sculpteur français d’origine lituanienne Jacques Lipchitz (1891-1973), qui le recommande à la galeriste Jeanne Bucher, célèbre pour ses positions avant-gardistes. En 1929, J. Bucher offre à Lapicque sa première exposition personnelle et le reconnaît ainsi officiellement peintre à part entière.
Lapicque détermine ainsi une grille de construction bleue et rouge à ses compositions, qui sera reprise par l’ensemble des artistes de son époque.
Alors qu’il aurait pu passer maître dans la voie de l’abstraction, Charles Lapicque déroute les critiques en revenant soudainement à la figuration. Car il ne voit pas pourquoi « il renoncerait aux beautés naturelles qui s’offrent à ses yeux ». L’artiste aiguise alors sa maîtrise de la « figuration gestuelle »; un style plus dynamique, qui fait naître du chaos, de la matière, le mouvement.
C. Lapicque est un artiste de la couleur et du mouvement. A tel point qu’il parvient à représenter dans un seul tableau tous les gestes d’un joueur de tennis! Dans son oeuvre, il fait coexister différents temps, différents espaces, différentes perspectives.
En 1953, il remporte le prix Raoul Dufy et s’envole pour l’Italie. A Rome, il achète un plan de la ville moderne sur lequel il surperpose un plan de Rome antique. Ce qui se traduit par des représentations de monuments anciens dans des lieux contemporains. « C’est un Humaniste ancien qui s’ouvre sur le monde moderne », le décrit Daniel Abadie dans l’excellent film (1998) du Suisse Peter Indergand, présenté en fin d’exposition (comptez 20 mn).
La partie la plus surprenante dans l’oeuvre de Lapicque reste son traitement du baroque. Venise incarne pour l’artiste le changement: » tout est passage ici-bas, nous disent les statues baroques: la vie n’est qu’un mirage, le monde une scène de théâtre » (‘Apprentissage et spontanéité’ in Essais sur l’espace, l’art et la destinée, Grasset, Paris, 1958).
Pour imiter le style baroque, Charles Lapicque revient aux prémices de ce mouvement artistique des XVIe-XVIIe siècle, qui se caractérise par l’exubérance, la surcharge décorative, les effets dramatiques.
« Je ne pus me résoudre à copier directement l’apparence d’un art qui se veut lui-même si délibérement apparence. Il fallait opérer autrement, partir des sources où ces gens avaient puisé, et mimer leur démarche. D’où étaient-ils partis? De l’Antiquité évidemment ». Lapicque se met donc à copier les statues antiques (cf. Fontaine baroque, 1954 ou Ange Vénitien, 1954). Mais il sait apporter sa touche personnelle en représentant des tableaux nocturnes aux couleurs chaudes – ce qui a grandement choqué les critiques parisiens de l’époque! Ils l’ont plus été encore, lorsqu’ils obervèrent des paysages bretons aux couleurs du désert (cf. Vallon en Bretagne, 1957)!
Adepte du changement, Charles Lapicque a dérouté ses contemporains. Cette recherche constante de style – « c’est un chercheur né », s’exclame la commissaire de l’exposition, Josette Rasle -, l’a desservi jusqu’en 1967. Date à laquelle il obtient une reconnaissance officielle en étant exposé au Musée national d’art moderne (Centre Pompidou). Mais cette « inconstance » le rapproche indéniablement des artistes contemporains. Et confère à son oeuvre toute son actualité.