L’art ne fait que commencer
Jusqu’au 1er juillet 2024
#ExpoBrancusi
@CentrePompidou
Centre Pompidou, Paris 4e
Le Centre Pompidou présente une rétrospective de l’oeuvre de Constantin Brancusi (1876-1957). À 28 ans, l’artiste roumain traverse l’Europe à pied pour venir s’installer à Paris, centre d’effervescence culturel et artistique.
L’idée originale du parcours est de récréer l’atmosphère du studio de l’artiste, situé impasse Ronsin à Montparnasse, qui représentait pour Brancusi son centre de vie, de travail, de présentation de ses oeuvres, de réception de ses amis.
« Il y a tout construit, des outils qu’il a bricolés aux meubles et à la cheminée qu’il a fabriqués », commente Ariane Coulondre, commissaire de l’exposition.
À son arrivée à Paris, C. Brancusi devient l’assistant d’Auguste Rodin, qui l’initie à la taille de la pierre. Ses trois premières oeuvres (Le Baiser, La Sagesse de la Terre, la Prière) montrent son inspiration du maître mais déjà sa volonté de trouver sa voie.
À la tradition du modelage, il privilégie la taille directe et le polissage. Les faces lisses lui permettent de refléter la lumière, d’exprimer « l’essence des choses », selon ses mots. En atteste sa Muse endormie (1910), révolutionnaire par son format – une tête ovale couchée en guise de buste, aux yeux à peine esquissés, et dont le poli de la surface capte la lumière. Brancusi fréquente le Louvre et le musée Guimet, où il observe des oeuvres antiques et extra-européennes qui l’inspirent pour ses formes ovoïdes.
Son Baiser (1907) est mis en parallèle de l’Homme accroupi (1907) de Derain et sa Sagesse de la Terre (1907-1908) côtoie l’Oviri de Paul Gauguin (1894). Ces oeuvres témoignent des recherches innovantes des artistes avant-gardistes.
Après le passage symbolique d’une porte roumaine, le visiteur entre dans la reconstitution de l’atelier de Brancusi, légué à l’État français à sa mort. On y écoute les musiques qu’il aimait entendre en travaillant. On admire des portraits que ses amis ont fait de lui (dont celui d’Amadeo Modigliani, vers 1909) et des lettres qu’ils ont échangées.
Puis viennent les oeuvres symboliques, marquées par son rapport à la matière et leur lecture ambigüe. La dualité entre le féminin et le masculin s’incarne dans Princesse X, qui fait scandale et est interdite à la vue du public par le préfet de Paris. Cette sculpture évoque à la fois les rondeurs d’un corps féminin autant que le sexe masculin. Pour Brancusi, cette tension nécessaire est la quintessence de la sculpture, une forme toujours en mouvement.
Cette idée s’observe également dans ses Maïastras, oiseaux au cou de plus en plus étiré, qui prennent leur envol. Ou dans Léda, qu’il avait placé sur un disque animé par un moteur de gramophone afin de la faire tourner et de refléter toutes les nuances de la lumière.
Le socle fait partie intégrante de l’oeuvre et Brancusi joue à confronter un socle en bois rugueux avec une sculpture lisse. Ses oeuvres aux formes de plus en plus éthérées lui inspirent des portraits réduits à des visages stylisés (série des Négresses). Idem pour ses animaux, une branche de chêne liège se mue en crocodile – oeuvre jamais montrée au public, d’après la commissaire -, un dos bombé entouré de deux cylindres évoque une tortue, un marbre fluctuant rappelle un phoque (1943).
Si sa série de l’envol incarne la quête spirituelle de l’artiste, sa Colonne sans fin (1937-1938), composée de socles inversés à l’infini, crée du lien entre la terre et le ciel. Borne-frontière (1945), réalisée au moment où la Roumanie passait sous contrôle soviétique, reprend le motif du baiser sous la forme de trois blocs superposés, et symbolise l’harmonie entre les peuples. Elle sera sa dernière oeuvre, et la seule à connotation politique.
La scénographie met particulièrement en valeur les oeuvres majestueuses de Brancusi. L’espace est lumineux, comme l’atelier de Brancusi, les oeuvres respirent.