Histoire d’un cinéma indien
Jusqu’au 14 janvier 2024
Musée du quai Branly, Galerie Jardin, Paris 7e
L’Inde est le premier producteur de films au monde (plus de 1 500 par an). Le musée du quai Branly propose une histoire du cinéma indien, des premières sources mythologiques et historiques aux superproductions de Bollywood, en passant par le cinéma social d’auteur. Danse, musique et sentiments (rasa) sont au coeur de ces productions filmées, qui jouent un rôle particulier dans la culture indienne.
Le parcours accueille le visiteur avec un extrait de film typiquement indien, dans une atmosphère qui fait référence à Diwali, la fête des lumières. Chants, danses et offrandes introduisent les thématiques essentielles qui composent les films indiens.
L’ancêtre des films s’incarne dans des peintures sur toile de coton qui narrent les légendes principalement tirées du Ramayana (épopée de plus de 40 000 vers, composée entre le 2e siècle avant et le 2e siècle après J.-C., relatant la libération de l’épouse du dieu Vishnou), et du Mahabharata (éposée du 4e siècle avant notre ère, sujet de la guerre des clans entre les Pândava et les Kaurava). Ce médium ancestral est toujours utilisé aujourd’hui comme le montrent deux peintures réalisées en 2007, l’une sur le métro de Kolkata et l’autre sur le tsunami de 2004.
Les conteurs itinérants permettent de sortir les dieux des temples et de les rapprocher des fidèles. Les images sont fixées sur des plaques de verre incorporées dans des bioscopes ou utilisées dans les lanternes magiques. Comme pour les théâtres d’ombres, ces formes ancestrales du cinéma sont toujours prisées du public indien, malgré l’avènement des salles de cinéma.
Un des pères du cinéma indien, Kaja Ravi Varma (1846-1906), a l’idée d’imprimer ses peintures de divinités hindoues sur des calendriers, puis des publicités. Ses images à fort succès contribuent à codifier la représentation des dieux. Le cinéma mythologique constitue « une mise en mouvement des lithographies de K. R. Varma », commente Hélène Kessous, co-commissaire de l’exposition.
Après les films mythologiques muets arrivent les films historiques, qui permettent d’unir les différentes identités régionales dans un contexte de construction nationale – l’Inde appartient encore à l’Empire britannique au début du 20e siècle. L’apparat des cours mogholes et rajputes est illustré par un ensemble de costumes, bijoux, et armes serties de pierres précieuses. Des extraits de Mughal-E-Azam de K.Asif (1960) sont projetés pour traduire l’ambiance de ces films historiques.
Une salle intermédiaire propose une autre vision du cinéma : celui d’auteur, dit de la nouvelle vague indienne dans les années 1940, incarné par Satyajit Ray.
Le parcours se poursuit avec la naissance des superstars. Dans aucun autre pays les acteurs sont autant adulés par le public. Dans les années 1970, Bollywood produit Sholay de Ramesh Sippy (1975), un des premiers films « massala » – référence aux épices pour évoquer le mélange des genres au sein du même film -.
« Si les films indiens sont si longs, c’est qu’ils proposent une autre vision du cinéma. Dans les salles populaires, on y mange, dort, parle… », précise Julien Rousseau, co-commissaire de l’exposition. Une installation immersive permet au visiteur de danser et de chanter avec en fond d’écran des acteurs indiens connus tels Raj Kapoor (1924-1988), Amitabh Bachan (né en 1942) ou encore Salman Khan (né en 1965).
Une exposition riche en musique, danse, images mais aussi peintures, figurines, costumes et photographies. C’est vivant, coloré, vibrant, à l’image de la culture indienne et le parcours est passionnant.
À noter : tous les dimanches de 15h à 17h, danses et musiques d’Inde sont diffusées dans le jardin du musée (collaboration avec Indian Lab), en accès libre.
À la sortie de l’exposition, vous pouvez enchaîner avec les représentations inédites de chefs d’États africains par Kehinde Wiley. À travers ces images qui reprennent les codes du prestige et du pouvoir présidentiel, l’artiste aborde l’histoire du portrait dans des compositions mi-picturales mi-photographiques. Il présente l’image que veut refléter chacun des leaders africains contemporains ; les différences de point de vue sont explicites !