Les plaisirs et les jours
Jusqu’au 24 juillet 2022
Petit Palais, avenue Winston Churchill, Paris 8e
Le Petit Palais rend hommage à Giovanni Boldini (1842-1931), qui a fait carrière à Paris au tournant du 20e siècle. Excellent portraitiste, l’artiste sait également rendre l’effervescence et la modernité de la Ville des Lumières.
Né à Ferrare, Boldini a passé la majeure partie de sa vie à Paris. C’est un proche de Degas et du marchand d’art Adolphe Goupil. Il sort tous les soirs au restaurant et au théâtre, où il croque ses semblables, leurs mouvements, leur visage sous la nouvelle lumière électrique. Il devient inséparable du caricaturiste Sem et du peintre Paul Helleu.
« Ses portraits qui vont fixer à jamais le tout-Paris de la Belle Époque sont les équivalents picturaux des personnages d’À la recherche du temps perdu de Proust, l’un de ses plus grands admirateurs », commente Servane Dargnies de Vitry (conservatrice des peintures du 19e siècle au Petit Palais), co-commissaire de l’exposition.
Le peintre rend à merveille la mode de l’époque, l’élégance des robes de soirée et des accessoires, imaginés par les couturiers Worth ou Poiret, et dont quelques ensembles sont présentés à la fin de l’exposition. Boldini met en avant la finesse des hanches des modèles sur lesquelles reposent les soieries, l’élancement de leurs corps jusqu’aux mains, qui deviennent d’une longueur exagérée, qu’elles soient gantées ou en train de saisir un bouquet de fleurs.
Boldini se fait le spécialiste des poses sensuelles, le coude négligemment posé sur un dossier pour soutenir une tête rêveuse, mais consciente du regard de l’observateur, la moue taquine, relevée par un rouge/rose à lèvres qui contraste avec le jais de la robe.
Dans ses scènes de genre, Boldini préfère représenter le spectacle qui se joue non pas sur scène, comme au Moulin Rouge, mais celui des mondains en train de batifoler. Dans la rue, il saisit le moment où un homme penche sa tête à travers la vitre de la calèche pour admirer la tenue d’une passante.
Comme Degas, Boldini aime représenter les chevaux et leurs muscles en mouvement. L’agitation de la ville se fait aussi à travers les directions opposées prises par les personnages. Ça grouille et ça fourmille ! Son ami Sem disait : « [Boldini] peignait les femmes à bout de nerfs, surmenées, de ce siècle épuisant […] Ces visions fulgurantes en zigzag tels des éclairs de chaleur, tous ces frissons, ces trémoussements, , ces crispations sont bien dans la note de ces temps de névrose. »
La vitalité des scènes est d’autant plus marquée dans ses petites oeuvres, celles qu’il garde dans son atelier, et dans lesquelles il s’octroie toute liberté plastique. « […] Dans ses petites pages, son génie condensé éclate comme un détonateur » (Sem).
Grâce à des touches virevoltantes, des lignes serpentines et la volonté d’un aspect non fini – bien innovant pour l’époque -, Boldini saisit magnifiquement la frénésie de son époque. Un artiste éblouissant d’originalité ; à découvrir !