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Les femmes photographes du XXe siècle

Berenice Abbott (1898-1991), Photographies

Jusqu’au 29 avril 2012

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Jeu de Paume, 1 place de la Concorde, Paris 8e

 

Si l’Américaine Berenice Abbott est célèbre pour avoir aider à faire reconnaître l’oeuvre du Français Eugène Atget, elle l’est moins pour sa propre oeuvre dont seuls quelques clichés sont populaires: ceux de l’Amérique après la crise de 1929. Le Jeu de Paume propose d’agrandir cette vision en déployant des photographies qui couvrent l’ensemble de sa carrière. Portraits, architecture et photographies scientifiques sont au coeur de cette très belle exposition.
 Après Lee Miller et récemment Diane Arbus, le Jeu de Paume met en lumière l’oeuvre d’une autre femme photographe du XXe siècle: Berenice Abbott (1898-1991) qui avait l’intention de vivre centenaire car elle avait vu le début du XXe siècle et comptait en voir la fin, explique–t-elle dans le passionnant documentaire qui lui est consacré en fin d’exposition. Dommage que la salle soit si petite parce que le film ne manquera pas d’accueillir de nombreux visiteurs…

Pensant devenir journaliste puis sculpteur, Berenice Abbott, née dans l’Ohio, débarque à New York en 1918 et côtoie les artistes de Greenwich Village. Nombre d’entre-eux s’exilent à Paris au début des années 1920, attirés par cet Eldorado culturel qui leur est plus favorable que leur pays d’origine, centré sur le commerce et où ils sont mal vus.

A Paris, Abbott devient l’assistante de Man Ray qui a ouvert son studio peu après son arrivée en 1921. Son regard esthétique, formé durant ses études plastiques, l’aide dans sa tâche – elle travaille dur pour le satisfaire, raconte-t-elle. M. Ray lui apprend à faire le tirage des photos. Puis, il lui suggère d’en prendre elle-même ; elle commence alors à réaliser des portraits pendant ses pauses déjeuners. Grâce à ses fréquentations de l’avant-garde artistique, Abbott capture les traits de Jean Cocteau, James Joyce, Henri Barbusse, André Gide, etc.
L’influence surréaliste se perçoit dans ses effets de distorsion et de surimpression. Mais l’apprenti photographe démarque son travail par l’absence de décor, le fond étant réduit le plus souvent à un pan de mur neutre. Elle isole le sujet et met l’accent sur son attitude, la position de son corps et l’expression de son visage. Les modèles féminins expriment une ambiguïté sexuelle en portant les cheveux courts et des vêtements masculins tout en exhibant des poses suggestives.  Ses portraits sont publiés dans Vogue, Vu, The Little Review puis font l’objet d’expositions personnelles en 1926 (année d’ouverture de son propre studio, avec succès) ou lors Premier Salon indépendant de la photographie à la Comédie des Champs-Elysées (1928) – véritable manifeste contre le pictorialisme, mouvement qu’Abbott dénoncera toute sa vie au profit de la photographie documentaire.

De retour à New York, B. Abbott enregistre pour l’administration américaine les changements architecturaux de la ville après la crise de 1929. A la fois oeuvre à portée pédagogique et ambition artistique, Changing New York (plus de 300 négatifs entre 1935 et 1939) saisit les contrastes entre l’ancien et le moderne, met l’accent sur les détails architecturaux et les points de vue basculés (cf. La Bourse, Vue de nuit), et les vues frontales, plus neutres, comme le requiert le style documentaire (Restaurant Blossom, Station-Service, Flat Building).

La seconde section de l’exposition présente également des tirages de son séjour dans le Sud des Etats-Unis dans les années 1930 avec sa compagne critique d’art Elizabeth McCausland, et ceux de son périple photographique le long de la Route 1 dans les années 1950.

Plus surprenantes sont ses photographies scientifiques. Mandatée par le Massachusetts Institute of Technology, Berenice Abbott entreprend de représenter visuellement des concepts mécaniques et des lois physiques normalement invisibles. Elle utilise des fonds noirs pour dévoiler des phénomènes comme la gravitation ou les principes ondulatoires de la lumière.

Esthétiques et faisant appel aussi bien à l’imaginaire qu’au réel, les photographies de Berenice Abbott révèlent une grande maîtrise de la matière, de l’espace et de la lumière. Une combinaison idéale, à mon sens, pour livrer une oeuvre saisissante. A confronter avec le travail documentaire tout aussi percutant de l’artiste chinois dissident Ai Weiwei, exposé au premier étage du Jeu de Paume. Libéré sous caution en juin 2011, il est, à ce jour, toujours interdit de sortie de territoire.

 

 

 

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