Jusqu’au 29 janvier 2012
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Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, 11 avenue du Président Wilson 75116
[…] parce que la sculpture est plus primitive, plus brutale et moins réservée , comme la peinture l’est parfois », avance le sculpteur allemand Georg Baselitz (né en 1938), en 1983. Cette citation résume parfaitement les émotions que l’on ressent face aux sculptures en bois monumentales, d’une force brute saisissante. Figures anthropomorphes extraites du bois, à coups de hache ou de scie, les oeuvres de Baselitz évoluent à contre-courant du langage artistique occidental. A découvrir sans plus attendre au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris.
L’exposition présente plus de quarante sculptures en bois, exécutées entre 1979 et 2010. Au fil des ans, elles gagnent en monumentalité et expressivité. Pour autant, l’artiste se défend de relever de l’expressionnisme allemand. Il ne souhaite tout simplement pas de « vis à vis avec la réalité » (1996). G. Baselitz précise antérieurement que « dans le fond toutes ces sculptures sont empreintes d’une haute culture. Elles sont très loin de la forme naturelle. Ce sont des inventions » (1983).
De fait, ses premières oeuvres se rapprochent de la sculpture africaine, notamment Dogon (Mali) ou Lobi (Burkina Faso) avec des figures aux bras levés (Ohne Titel, 1982-1984). Puis viennent des oeuvres légèrement plus abstraites qui ne font qu’un avec la matière (G-Kopf et Tragischer Kopf) et présentent des scarifications, liées au passage de la scie.
Ses Dresdner Frauen (1989-1990) apportent un tournant dans son oeuvre. Ces têtes féminines posées sur des socles en hauteur forment un groupe, une entité, qui exprime la douleur des victimes lors du bombardement de 1945. Leur revêtement pictural jaune canari tranche avec les couleurs fétiches de G. Baselitz: le rouge et le bleu.
Ces têtes mènent l’artiste à créer des torses, têtes et corps mutilés ou tronqués, avec des entailles profondes qui rappellent Tragischer Kopf. L’asymétrie résultant de l’amputation de certains membres (Frau Paganismus, 1994) ainsi que l’apport d’attributs féminins à des oeuvres masculines (Männlicher Torso) apportent une dissonnance qui s’affirme comme une revendication artistique à l’encontre des canons classiques.
Déjà imposantes, les oeuvres des années 2000 deviennent monumentales. En station debout et pour la première fois vêtues (bikini, chaussures plateformes!), les oeuvres jouent avec les codes artistiques. Ainsi d’un personnage masculin qui cache derrière son dos un crâne, dans la pure tradition de la Vanité, tandis que ce qui pourrait être son épouse, porte dans son sac – transcrit par de la peinture blanche, telle un tatouage sur la cuisse latérale gauche – une version contemporaine du viatique (repas que l’on emportait dans l’au-delà dans les rites funéraires anciens). Tous les portraits monumentaux (2003-2004) portent une montre qui affiche minuit moins cinq…
Les dernières oeuvres (Autoportraits, 2009-2010) portent des attributs insolites telle une casquette à l’inscription ZERO (nom d’une entreprise de matériel pour peintres en bâtiment ayant fait faillite). Elles sont en outre affublées d’un grotesque morceau de bois cloué à la sculpture pour la sexuer.
L’artiste, qui a débuté la sculpture une vingtaine d’année après la peinture – dont quelques-unes sont exposées, mais qui m’ont paru moins frappantes que l’objet principal de l’exposition – choisit lui-même les essences des arbres, généralement du tilleul et du hêtre pourpre. Il façonne des sculptures relevant à la fois de l’art primitif et de l’art populaire (oeuvres des années 1996-1997). Ce dernier étant considéré par l’artiste comme possédant une force formelle « attractive et habile ». Pour autant, Baselitz est passé maître dans « l’art de mêler les pistes et de faire aboutir, comme si de rien n’était, des décennies d’observations, de réflexion et de pratique », constate Fabrice Hergott (directeur du MAMVP). Et c’est précisément à cette habileté que l’on pressent l’oeuvre d’un grand artiste.