Femme Noire Debout de Venise
Jusqu’au 9 janvier 2022
Institut Giacometti, 5 rue Victor Schoelcher, Paris 14e
L’Institut Giacometti présente un parallèle entre les sculptures Femmes Debout de Venise d’Alberto Giacometti (1901-1966) et celle de Barbara Chase-Riboud, Femme Noire Debout de Venise. Si les deux artistes se sont à peine croisés, on retrouve des thématiques communes dans leurs oeuvres.
Artiste franco-américaine, Barbara Chase-Riboud (née en 1939 à Philadelphie, vit à Paris) rencontre Alberto Giacometti en 1962 lorsqu’elle s’installe à Paris, par l’intermédiaire d’Henri Cartier-Bresson, camarade de Marc Riboud (son futur mari) à l’agence Magnum. « La première fois que je l’ai vu, c’était une momie égyptienne ambulante », raconte-t-elle, « recouvert de plâtre blanc depuis ses chaussures jusqu’aux cheveux afro bouclés sur sa tête. »
Les sculptures verticales de Barbara Chase-Riboud, comme celles de Giacometti, sont particulièrement expressives et font écho à la littérature et à la poésie contemporaines. Elle-même est une poétesse et romancière reconnue.
L’artiste partage avec Giacometti « une vision humaniste, incarnée par des oeuvres qui cherchent à atteindre une dimension symbolique et mémorielle », commente Émilie Bouvard (directrice scientifique et des collections, Fondation Giacometti), commissaire de l’exposition.
Ses stèles qui mêlent bronze et textile, tendent vers l’abstraction, tout en conservant une part de figuration. Zanzibar (1970) fait partie de ses premières sculptures abstraites. Elle est l’une des rares oeuvres à faire partie des collections françaises (acquise par le Centre national des arts plastiques). Elle renvoie à son poème Why did we leave Zanzibar ? [Pourquoi avons-nous quitté Zanzibar ?] qui fait référence à l’esclavage comme en attestent les pieds de la sculpture composés de cordes. Elle a choisi de la placer face à Grande Femme II (1960) de Giacometti.
Femme noire debout de Venise et Obelisk noir #3 sont placées à côté de cinq exemplaires de Femmes debout de Venise de Giacometti. B. Chase-Riboud évoque par cette statuaire pyramidale la civilisation égyptienne, dont elle reprend ici une technique ancienne : l’usage de la fonte à la cire perdue qui lui permet de la rendre malléable et lui donner la forme voulue avant l’étape de la fonte au bronze. Dans la partie inférieure, on retrouve les cordes tressées de Zanzibar qui forment un socle ondoyant telle une jupe. La confrontation des oeuvres des deux artistes est saisissante et joue sur le dualisme : noir/blanc, fragilité (plâtre)/solidité (bronze).
Chase-Riboud et Giacometti partagent également une passion commune pour l’Égypte, source d’inspiration essentielle pour les deux. Elle a réalisé Le Lit de Cléopâtre (1997) à partir de tessons assemblés telles les côtes de maille des soldats chinois. Ce qui intéresse l’artiste, c’est la capacité de cette puissante figure féminine à unir l’Orient et l’Occident. Elle lui dédie un poème :
« (…) Sous le soleil équatorial des Pharaons d’Éthiopie,
Je refuse d’être éclipsée par l’ombre de César & le sexe de César.
Car tant qu’Égypte repose sa tête rasée
Sur mes seins de Cléopâtre,
La virilité de César abandonnée dans ma main,
Rome, hors de ma route ! (…) »
Une confrontation originale qui permet de découvrir le travail de Chase-Riboud, très peu exposée en France alors que ses oeuvres ont intégré de nombreuses institutions culturelles à l’étranger (Berkeley Art Museum, Metropolitan Museum of Art, Philadelphia Museum, Smithsonian African American Museum, etc).