L’aventure des Stein – Matisse, Cézanne, Picasso…
Jusqu’au 16 janvier 2012
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Galeries nationales du Grand Palais, 3 avenue du Général Eisenhower 75008
Quatre Américains de San Francisco s’installent à Paris et lancent des artistes, devenus depuis des piliers de la peinture moderne, alors qu’ils étaient rejetés dans leur pays. Quelle aventure! C’est celle de la famille Stein, présentée aux galeries nationales du Grand Palais, qui a rassemblé pas moins de 600 tableaux dont 200 sont exposés à Paris.
Montée en collaboration avec le musée d’Art moderne de San Francisco, le Metropolitan Museum de New York et le musée national d’art moderne à Paris, l’exposition « L’aventure des Stein » rassemble des chefs-d’oeuvre tout en rendant hommage à ceux qui ont eu le flair de soutenir avant leur heure de gloire les avant-gardistes que furent Matisse, Picasso, Cézanne et Manet.
L’histoire commence lorsque Léo Stein s’installe à Paris en 1900, rejoint trois ans plus tard par sa soeur bien-aimée Gertrude – devenue la plus célèbre de la famille par le succès de son Autobiographie d’Alice B. Toklas (1933). Ils habitent au 27 rue de Fleurus (Paris, VIe). Leur frère aîné, Michael, arrive avec sa femme Sarah et leur fils Allan, en 1904, et logent non loin, rue Madame.
Léo découvre Cézanne (La Conduite d’eau), les Picasso de sa période bleue – dont le magnifique Pierreuses au bar – et l’emblématique Femme au chapeau de Matisse en 1905. C’est certainement lui qui initie les « Samedis des Stein », recevant la bohème parisienne pour montrer et commenter les oeuvres qu’ils collectionnent et accrochent de manière de plus en plus dense à leurs murs. Comme l’attestent les photographies du lieu de Man Ray.
De son côté, Sarah est facinée par Matisse, qu’elle incite à ouvrir sa propre académie. Mais le couple doit quitter précipitamment Paris en 1906, lors du tremblement de terre de San Francisco, pour vérifier l’état de leurs possessions immobilières qui assurent l’essentiel de leurs revenus. Ils emportent avec eux trois toiles de Matisse – c’est la première fois que ces oeuvres traversent l’Atlantique.
Après la Première Guerre mondiale, où ils perdent 19 de leur Matisse prêtés au marchand d’art berlinois Fritz Gurlitt, au moment où l’Allemagne entre en conflit (les oeuvres seront confisquées et revendues ensuite à des collectionneurs scandinaves), ils enrichissent leur collection, toujours de Matisse. Ils se font également construire une villa à Vaucresson, conçue par Le Corbusier. Ils quittent finalement l’Europe en 1935 pour retourner en Amérique.
Parallèlement, rien ne va plus entre Léo et Gertrude. Le frère ne comprend pas l’écriture ardue de sa soeur ni son engouement pour l’évolution de Picasso vers le cubisme. La compagne de Gertrude, Alice Toklas – elles formeront l’un des premiers couples lesbiens célèbres du XXe siècle -, emménage rue de Fleurus, tandis que Léo part s’installer à Florence. Le frère et la soeur ne se reverront presque plus. Leur collection est scindée en deux.
Gertrude atteint la notoriété avec l’autobiographie de sa compagne (celle-ci publiera sa vraie autobiographie, en 1963). Le salon se recentre dès lors sur Gertrude, son écriture axée sur les répétitions, et Picasso, qui n’expose pas en public mais dans ces sortes de cabinets d’amateurs.
A la mort de Gertrude (1946), A. Toklas garde l’usufruit de la collection. Les questions d’héritage sont source de tension avec les Stein. A la demande des héritiers et pendant l’absence de la maîtresse des lieux, son appartement est vidé des tableaux, qui sont placés dans un coffre à la Chase Manhattan à Paris.
Le Metropolitan reçoit en legs le Portrait de Gertrude Stein par Picasso, celui qui fait grand cas, car l’artiste semble avoir posé un masque africain sur le vaste corps du modèle. Des trustees du MoMA se regroupdng pour acheter le restant de la collection de Picasso et de Juan Gris, après la mort de Toklas.
Dans l’exposition, les oeuvres sont regroupées par artistes et thèmes, en fonction des trois personnalités qui ont impulsé leur découverte. Dans la section Léo, on y admire Scènes de bal (1873) de Manet, La Sieste (1900) de Pierre Bonnard, Nu bleu: souvenir de Biskra (1907) et La Femme au chapeau (1905) de Matisse. Sans oublier Pierreuses au bar (1902) de Picasso et Tournesols sur un fauteuil (1901) de Gauguin.
La seconde section, consacrée à Michael et Sarah, révèle Les Cinq Baigneurs (vers 1892) de Cézanne, et parmi les multiples toiles de Matisse: Nature morte à la chocolatière (1900-1902), Femme en kimono (vers 1906) et Vue de Collioure (vers 1907/1908).
Côté Gertrude, on se régale du Nu à la serviette (1907) de Picasso qui préfigure ses Demoiselles d’Avignon, ainsi que Nature morte à la bouteille de marasquin (1914). Verre et bouteille de Juan Gris et des oeuvres plus tardives comme l’éblouissant Pa (1932) de Picabia.