Editions Au diable vauvert, septembre 2009, 22€
De l’humour belge par un auteur belge, pouvait pas faire mieux! Assortiment pour une vie meilleure – Carbowaterstoemp et autres spécialités compose le second recueil de Thomas Gunzig (né en 1970 à Bruxelles). Il réunit un ensemble de nouvelles publiées entre 2004 et 2009. On rit, jaune, rouge, noir. De ces hommes et animaux qui dressent un portrait sarcastique de l’espèce vivante. C’est à la fois décalé et piquant.
Sous des titres qui en disent long (L’héroïsme au temps de la grippe aviaire), souvent d’ordre culinaire (Amuse-bouches et pâté de lièvre; les sandwichs mous), Thomas Gunzig croque des histoires mi-figue mi-raisin, entre critique sociétale et fantaisie littéraire.
Les chutes sont plus ou moins féroces, l’effet plus ou moins dramatique. Mais le style, adapté à chaque nouvelle, ne déçoit jamais.
« Les journées de Caroline Lemayeux ressemblent à des tunnels sombres, percés sous des montagnes et perpétuellement encombrés de poids lourds transportant du bétail. Ca, c’est pour être précis, car si quelqu’un avait posé la question, cet été-là, à Caroline Lemayeux, celle-ci aurait simplement répondu qu’elle ‘a un peu mal à la tête et qu’elle en a marre’. » (Hors-d’oeuvre et canapés, sous le signe du Chorizo, p.41).
« Quand elle eut terminé, il avait pris un air un peu embêté: ‘Elle veut bien moi et Jean-Nicolas mais elle ne veut pas avec Kader. Elle dit qu’elle aime pas les couleurs foncées’. Un rapide débat éthique suivit la remarque où se posait la question de savoir si on pouvait oui ou non coucher avec une raciste. Ce débat fut rapidement suivit d’un autre sur le sens de l’amitié entre des amis de plus de dix ans. A l’issue de ces deux débats, Pierre-Henri et Jean-Nicolas avaient l’air à la fois heureux et un peu emmerdés. Kader, lui, tirait franchement la tête. ‘Allez-y, je reste là. Je voudrais pas vous gâcher la soirée. » (Trop chaud, pp.70/71).
« C’était terrible. C’était terrible. C’était terrible à un point que personne ne pouvait imaginer. Personne à moins d’en être, un de ces rats, à vivre comme un rat, justement, entassés par famille de trois cents, les uns sur les autres, les cousins sous les cousines, les aïeuls sur les aïeules, les frères contre les soeurs, tous parents, tous baisouillant plus ou moins selon des règles totalement aléatoires, tous bouffant absolument n’importe quoi dans de purs réflexes maximilaires: du câble, du plâtre, du mort ou de la morte, du bois pourri, du plastique de sac, des épluchures d’allez-savoir-quoi, des trognons à tout venant, du reste, du relief sans âge, du fond de poubelle. » (Adagio, p.99)
« – Un petit fasciste! Ca existe encore ça! fit Guy, étonné.
– Ils ont repris la production, répondit Paul.
– Si c’est pas malheureux. Encore un peu de bordeaux, joli nazi? fit Guy. » (Le chocolat, pp.152/153).
Détenteur de nombreux prix littéraires (dont celui de l’Académie Royale de Langue et de Littérature Française de Belgique en 2004), auteur de nombreuses sciences fictions pour Radio France, Thomas Gunzig est un brillant écrivain. Il « cartonne » aussi bien dans les nouvelles que dans les romans (Mort d’un parfait bilingue, 2001, reçoit le prix Victor Rossel et Kuru, 2005, est finaliste du Flore). Assortiment pour une vie meilleure ne pourra que vous donner envie de découvrir les autres perles de T. Gunzig, déjà traduites dans le monde entier.