Le Gitan, l’Egyptien, le Tsigane, autant de noms pour surnommer les Bohémiens qui apparaissent en France en 1419 et dans l’Histoire de l’art dès la fin de la Renaissance. La représentation du bohémien trouve son apogée au XIXe siècle, avec une nouvelle génération d’artistes qui entend se libérer des diktats de l’Académie de peinture et vivre une vie de bohèmes (Van Gogh, Picasso, Toulouse-Lautrec, Murger, Satie…). L’exposition du Grand Palais, « Bohèmes », décrypte cette rencontre entre deux mythes à travers quatre siècles d’oeuvres artistiques.
Décomposée en deux parties, l’exposition s’intéresse aux premières représentations de bohémiens dans la peinture à partir d’un dessin du XVe siècle de Léonard de Vinci (Un homme trompé par des Tsiganes ou Cinq têtes grotesques, vers 1493, appartenant à la Reine d’Angleterre) et des toiles presque bibliques où la Vierge Marie se pare des attributs de la femme bohémienne.
Pour arriver aux représentations des artistes bohèmes, vivant dans des mansardes insalubres, se réchauffant autour d’un verre d’absinthe dans les cafés modernes (Quartier Latin puis Montmartre).
Le visiteur repart dégrisé avec les toiles de Tziganes d’Otto Mueller (1874-1930), classées comme « art dégénéré » dans l’exposition organisée par Adolf Ziegler en 1937 à Munich.
Mise en scène par Robert Carsen (exit Hubert Le Gall!), l’exposition est à nouveau théâtralisée, mais de manière moins dramatique qu’au musée d’Orsay (« L’Impressionnisme et la Mode« ). Seul le second étage présente cet aspect théâtral avec le décor des ateliers d’artistes (l’odeur d’humidité avec!) et du café moderne parisien.
Si la dramaturgie est moindre, le contenu explicatif y est amplifié. Les textes des cartels (pensez à apporter une loupe!) y sont plus développés. Le visiteur est là autant pour voir les oeuvres que pour apprendre. Car il s’agit ici de décrypter les stéréotypes attribués aux bohémiens (hommes festifs, femmes fatales, diseuses de bonne aventure, tous voleurs) et déconstruire le mythe de l’artiste bohème menant une vie insouciante, certes, mais à quel prix? « Réussir ou renoncer. Il n’y a pas d’autre choix, sinon la mort qui frappe souvent dans la bohème, qu’elle soit maladie ou suicide », commente Sylvain Amic, commissaire de l’exposition. Un aspect illustré par la légende démystifiée de la vie d’Henry Murger (1822-1861).
Les oeuvres de la première partie m’ont paru particulièrement admirables par leur originalité (voir la Vierge Marie sous les traits d’une bohémienne, ça ne se rencontre pas tous les jours au musée!) et leur luminosité (Boccaccio Boccaccino l’Ancien, Jan van de Venne, David Teniers II, Achille Zo, Charles Landelle).
Au second étage se distinguent Charles Amable Lenoir, Rêverie, et les oeuvres poignantes d’Otto Mueller.
A noter : le Petit Journal du Grand Palais est très bien fait. Il résume parfaitement l’exposition et analyse quelques oeuvres clés.