Héroïne de l’art
Jusqu’au 03 août 2025
Musée Jacquemart-André, 158 boulevard Haussmann, Paris 8e
Le musée Jacquemart-André présente les oeuvres d’Artemisia Gentileschi (1593-1656), fille d’Orazio Lomi Gentilschi (1563-1639), qui suit les pas de son père dans l’atelier avant de prendre son indépendance. Si elle n’est pas l’unique femme peintre à Rome à son époque, elle est la seule à s’aventurer dans la peinture d’Histoire, genre traditionnellement réservé aux hommes.

Artemisia Gentileschi, Vénus endormie, vers 1626. Virginia Museum of Fine Arts, Richmond, Adolph D. and Wilkins C. Williams Fund. Photo: Troy Wilkinson © Virginia Museum of Fine Arts
Le parcours expose sa maîtrise technique, similaire à celle de son père, et son indépendance progressive. Sa touche devient plus naturaliste et plus sensuelle, notamment dans ses représentations des figures féminines (Vierge à l’Enfant de la Galleria Spada).

Artemisia Gentileschi, Suzanne et les vieillards, 1610. Huile sur toile. Pommersfelden, Kunstsammlungen Graf von Schönborn. Crédit : akg-images / MPortfolio / Electa
Artemisia perd tôt sa mère et devient apprenti dans l’atelier de son père, où elle montre un talent précoce. Elle peint Suzanne et les vieillards à l’âge de dix-sept ans (1610) sous la supervision paternelle.
Sa réputation est mise à mal quand elle se fait violer par un ami de son père, Agostino Tassi (1611). Il promet de l’épouser mais n’en fait rien. Son père lui intente un procès, dans lequel Artemisia sera torturée pour prouver la véracité de ses dires.

Artemisia Gentileschi, Judith et sa servante, v. 1615, Huile sur toile. Florence, Gallerie degli Uffizi, Galleria Palatina. Crédit : Su concessionne del Ministera della Cultura
Traumatisée par cet événement, elle peint Judith décapitant Holopherne (Naples, Museo di Capodimonte), tableau particulièrement violent, considéré comme sa vengeance personnelle.
Son père la marie à un peintre de Florence pour rétablir sa respectabilité. Ayant contracté de nombreuses dettes, le couple revient rapidement vivre à Rome, où la haute société lui commande de nombreux portraits. L’influence du Caravage, un ami de son père, est visible dans ses oeuvres – pathos de la composition, naturalisme violent -, mais dans une tonalité plus claire comme on peut le voir dans son David et Goliath, vers 1610-20, exposé pour la première fois en France.
Artemisia s’installe ensuite à Venise, Gênes et Naples. Elle réalise un cycle pour la cathédrale de Pouzzoles (Rome), chantier habituellement réservé aux hommes.
La jeune femme entreprend un long voyage pour rejoindre Londres, où elle invitée par le roi Charles Ier d’Angleterre pour aider son père, qui y travaille depuis 1626. Elle reçoit également des commandes personnelles pour la collection royale tels l’Autoportrait en allégorie de la Peinture et Loth et ses filles (1628). À la mort de son père, elle est chargée de terminer les oeuvres qu’il avait commencées.
Elle rentre à Naples en 1640. À l’âge de 60 ans, elle accepte encore des commandes, en s’appuyant sur l’aide de son collaborateur Onofrio Palumbo.
« Malgré le drame qu’elle a vécu, Artemisia reste toute sa vie entourée d’hommes », commente Maria Cristina Terzaghi, une des trois commissaires de l’exposition. « C’est une des rares femmes qui faisaient tourner le ménage ; son mari n’était qu’un peintre modeste ».

Artemisia Gentileschi, Allégorie de l’Inclination, 1615-1616. Huile sur toile. Florence, Casa Buonarroti. Crédit : Firenze, Casa Buonarroti, Archivio Buonarroti
Une artiste féministe avant l’heure dont les oeuvres expriment technicité – « observez les orteils des modèles ! » recommande Pierre Curie (conservateur du musée Jacquemart-André) – et grâce féminine, malgré la violence de certaines scènes.