Jusqu’au 12 juillet 2015
Catalogue de l’exposition :
Musée Dapper, 50 avenue Victor Hugo, Paris XVI
Difficile d’imaginer depuis notre cuisine high tech qui ne sert bien trop souvent qu’à réchauffer des plats au micro-onde qu’en Afrique, en Insulinde (Asie du Sud-Est insulaire) et en Océanie des femmes prennent le temps de respecter des rites liés à la consommation de nourritures terrestres ou célestes. Le musée Dapper leur rend hommage.
Le parcours de l’exposition s’intéresse aux contenants qui sont utilisés pour accomplir les rites liés à la nourriture dans certaines sociétés traditionnelles africaines, asiatiques ou océaniennes.
Généralement, un grand plat permet à chacun de puiser sa portion avec sa main droite ou une cuillère. Ce plat collectif est sculpté en fonction du prestige de celui qui le possède.
Si les jarres, pots et autres récipients utilitaires qui permettent de conserver les céréales, le lait, l’huile et l’eau sont moins travaillés, une attention particulière est accordée aux coupes, coupelles et bols recevant les mets partagés par les convives.
Les repas communautaires sont souvent liés à la vie religieuse et exigent des sacrifices d’animaux domestiques (poules, coqs, moutons, chèvres, cochons), que les humains consomment après en avoir offert une partie (sang, peau, pattes, viscères, plumes) aux êtres de l’au-delà. Ces offrandes visent à contrecarrer les mauvaises intentions des ancêtres ou à se faire pardonner d’une transgression.
Alcool, sang, bouillie de céréales sont ainsi répandus par terre ou sur un autel pour concilier les esprits des divinités/ancêtres. Les Bamana (Mali) croient, par exemple, que le fait d’asperger le boli (autel en bois et rempli à l’intérieur de matières sacrificielles : cornes d’antilope remplies de poudres végétales et figurine en fils de coton) de sang réactive ses pouvoirs, tels faire tomber la pluie, favoriser les naissances, soigner, prédire l’avenir.
Si le riz est célébré chez les Igugao (Philippines) ou les Dan (Côte d’Ivoire / Liberia),
la chair animale est considérée comme une denrée luxueuse, consommée principalement lors de cérémonies. Le cochon est ainsi la principale richesse qui permet aux nobles du Vanuatu (Mélanésie) de gravir les échelons des sociétés d’initiés.
Seuls les individus initiés (et aguerris !) peuvent consommer de la chair humaine.
Pas de rituels sans produits stimulants : bétel, kava, noix de kola, gin, bière artisanale, vin de palme égaillent les fêtes.
Dans ces sociétés, manger ne sert pas seulement à nourrir son corps mais à révéler certaines valeurs essentielles au groupe auquel on appartient. « Manger est un acte social qui inscrit l’individu dans sa culture. Il traduit un savoir-faire (pêche, chasse, agriculture) tant dans l’accès à l’alimentation de base que dans sa préparation et sa consommation », explique Anne van Cutsem-Vanderstraete (historienne de l’art, co-commissaire de l’exposition).
Les ustensiles sont façonnés à partir de l’environnement naturel propre à chacune des sociétés étudiées (bois, fibres naturelles, coquillages, perles de verre, terre cuite) et présentent une grande diversité visuelle. Ces matériaux bruts acquièrent, selon moi, une grâce et une intensité sans égales grâce au savoir-faire de ces sociétés artisanales, qu’elles se transmettent de génération en génération.