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L’Argent dans l’Art

Jusqu’au 24 septembre 2023

Monnaie de Paris, 11 quai de Conti, Paris 6e

De l’Antiquité à nos jours, les métaux précieux comme l’or puis l’argent papier ont inspiré les artistes. Mais, la religion chrétienne ne voit pas d’un bon oeil ce rapport à l’argent. Le protestantisme va libérer le loup dans la bergerie jusqu’à la création d’un marché de l’art. La Monnaie de Paris fait le point sur cette fascination-répulsion à travers 20 siècles d’histoire.

Anne et Patrick Poirier, Fragilité, 2001. Papier, résine sur toile. Collection des Artistes © Jean-Christophe Lett/ Adagp, Paris, 2023

À travers un parcours thématique composé de quelque 200 oeuvres, l’exposition illustre les rapports complexes entre art et argent, sa représentation dans l’art et son questionnement sur sa plus-value artistique. Comme dans l’oeuvre d’Anne et Patrick Poirier qui ouvre le bal avec un tableau composé d’anciens billets de francs, retirés de la circulation et détruits par cette machine qui réduit le papier en spaghetti. Au centre trône l’inscription « fragilité.

Inconnu, Béotie (Grèce). Cratère en cloche, vers 430 avant J.-C.
Argile, peinture noire terne, lavis rouge, barbotine. Musée du Louvre, Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, Paris © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski

Dès l’Antiquité grecque, les artistes représentent Danaé s’unissant avec Zeus, métamorphosé en pluie d’or. Le mythe inspire Virgile, Sophocle, Eschyle, Euripide. On le retrouve illustré sur les fresques pompéiennes, dans les toiles du Titien, de Rembrandt, du Tintoret, de Klimt ou encore de Tracey Emin (2023).

La rondeur de la pièce d’or et sa brillance s’incarnent dans l’astre solaire au-dessus du taureau Apis ou dans la main d’un enfant momifié, gage de son passage dans l’au-delà (salle historique des vitrines, elle-même rotonde).

Simon Vouet, Allégorie de la Foi et du Mépris des Richesses. Deuxième quart du XVIIe siècle (vers 1638-1640). Huile sur toile. Musée du Louvre, Département des Peintures, Paris © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Tony Querrec

Dans Allégorie de la Foi et du Mépris des Richesses (vers 1630-35), Simon Vouet représente une femme tentée par un chérubin qui lui offre des bijoux, tandis qu’un autre montre de son doigt les cieux, la pressant de préférer la spiritualité aux plaisirs terrestres. Sylvie Fleury pose la question du consumérisme féminin et de la porosité entre le luxe et le monde de l’art avec une installation composée de plusieurs sacs de marques luxueuses (La Mer, 2023).

Si la moralité chrétienne dénonce l’avarice, un des sept péchés capitaux, la peinture religieuse vante les mérites du bon riche qui se rachète une âme par sa générosité envers les pauvres ou l’Église ! Ce que va dénoncer l’Église réformée.

Anonyme (école flamande), La vente d’oignons, XVIIe siècle. Huile sur bois. Musée des Beaux-Arts, Rennes © MBA, Rennes, Dist. RMN-Grand Palais / Jean-Manuel Salingue

C’est ainsi que les pays luthériens (Pays-Bas, Suisse) vont se libérer du poids de la morale religieuse chrétienne pour exceller dans les métiers d’argent (percepteurs d’impôts, banquiers). La peinture flamande du XVIe siècle réhabilite les figures du changeur ou de l’usurier, pour son rôle dans la circulation de la monnaie.

Pierre-Auguste Renoir, Paul Durand-Ruel, 1910. Huile sur toile. Collection particulière © photo Archives Durand-Ruel / Durand Ruel & Cie, droits
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« Le XIXe siècle marque un tournant. Un marchand d’art comme Paul Durand-Ruel va faire le pari d’emprunter aux banques pour acheter massivement des oeuvres impressionnistes, alors rejetées, et internationaliser ses affaires », commente Jean-Michel Bouhours (ex-conservateur du Centre Pompidou et directeur du Nouveau Musée National de Monaco), commissaire de l’exposition. « Ce qui deviendra le modèle économique des galeries contemporaines, le « local » n’étant pas suffisant pour survivre », précise-t’il.

ORLAN, Le baiser de l’artiste, 1977. Tirages contrecollés sur bois, cierges électriques, fleurs artificielles, chaîne métallique, diode clignotante, pièces de métal, bande sonore. FRAC Pays de la Loire, Carquefou © Stéphane Bellanger / Adagp, Paris, 2023

Marcel Duchamp, avec ses ready-made, révolutionne le monde de l’art en fondant la valeur d’un objet non sur sa préciosité mais sur son concept. En 1959, Yves Klein imagine la transaction « sacri-ficielle » : en échange d’un poids d’or fin, l’artiste offre « une zone de sensibilité picturale immatérielle », certifiée par un chèque. Vingt ans plus tard, ORLAN vend des « baisers d’artistes » pour 5 francs.

Au XXe siècle, l’acte d’achat est moins lié à la forme de l’oeuvre qu’à sa volonté de la posséder. Son prix, qui explose à partir des années 1980, est déterminé par la cote de l’artiste. Un siècle plus tard, les nouvelles technologies dématérialisent les oeuvres (métavers, oeuvres numériques, oeuvres crées par l’intelligence artificielle), brouillant de plus en plus les notions d’oeuvres et et d’artistes.

Une exposition qui fait sens dans ce lieu historique, qui frappe la monnaie depuis l’an 864. Elle offre un voyage dans le temps, mêlant habilement art ancien et contemporain.

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