Jusqu’au 5 septembre 2016
[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Musee-DROIT-D-ENTREE-AU-MUSEE-GUIME.htm]
Catalogue de l’exposition :
Musée Guimet, 6 place d’Iéna, Paris 16e
Le musée national des arts asiatiques – Guimet (MNAAG) présente une grande rétrospective de l’oeuvre du Japonais Nobuyoshi Araki. « Ecrivain en photographie ».
Dès la première salle, on comprend mieux le titre donné à l’artiste par Jérôme Neutres, co-commissaire de l’exposition. Non seulement Araki prend des photos comme il utiliserait les mots, mais il édite lui-même ses livres. Avant de faire des tirages ou d’exposer ses images, l’artiste les conçoit comme les pages d’un livre. En guise d’introduction, cette salle reconstitue la centaine d’ouvrages photographiques édités par l’artiste.
Le visiteur est ensuite accueilli par un bouquet d’artifices de fleurs. Un thème cher à l’artiste et intrinsèque à la culture japonaise – comme nous le montre une section de l’exposition qui met en valeur la collection de photographiques anciennes du MNAAG sur le Japon -. « Les fleurs choisies par Araki sont très organiques, pleines de vie car Araki est un photographe tourné vers la vie, l’érotisme », commente J. Neutres.
Vient ensuite la signature stylistique de Araki : le journal intime. L’artiste a filmé sa passion pour sa femme Yoko. De leur mariage – section intitulée selon le livre éponyme « Voyage sentimental » – à sa mort, vingt ans plus tard, qui a donné lieu au livre « Voyage d’hiver ». Scandale provoqué en exposant le cercueil de son épouse.
Autre caractéristique essentielle de l’oeuvre de « l’écrivain photographe » : le kinbaku. Qu’il faut comprendre non pas comme le ligotage humiliant de la femme mais comme une métaphore de l’acte même de photographier. En effet, selon l’artiste, cité par Jérôme Ghesquière co-commissaire de l’exposition : « La photographie, elle aussi, ligote les choses et les met dans une boîte. Vous voyez, on se rend compte qu’elle prend sa source dans le kinbaku, dans l’acte de ficeler des choses et des événements. D’ailleurs, je ligote les modèles moi-même, et après la session photo, c’est toujours moi qui défais les liens […] ».
Les commissaires ont eu carte blanche pour sélectionner les oeuvres. Mais une section a été réalisée par Araki : son atelier. Il se représente avec des centaines de photographies autour de lui, du sol au plafond. Car, explique Jérôme Neutre, « Araki est un photographe compulsif. Il photographie comme il respire ; il appuie sur le déclencheur à chaque battement de son coeur ». Aucune photo n’est isolée, elle vient forcément par en groupe de cent. « Il est impossible de répertorier son oeuvre », ajoute Sophie Makariou, présidente du MNAAG.
En abordant les dernières salles de l’exposition (à partir de la section 7), on perçoit une évolution dans la démarche de l’artiste. D’écrivain en photographie, il mue en photographe plasticien. L’artiste a toujours travaillé en argentique, il n’a jamais touché au numérique. Mais, à l’image de ses contemporains qui utilisent Photoshop pour retoucher leurs travaux, Araki se met à gratter, peindre et faire des collages avec ses oeuvres.
« Souvent, j’essaie, de prendre une photographie parfaite, mais j’y ajoute aussi, à dessein, une sorte d’imperfection. Uniquement pour éviter de prendre une photographie parfaite. On le sait, il n’y a rien de pire que la perfection », écrit Araki dans Moi, la vie, la mort (p.144).
La fin de l’exposition évoque de nouveau puissamment la mort. Atteint d’un cancer, l’artiste semble déjà tourné vers l’au-delà, observant le ciel non plus du bas mais du haut.
L’artiste a d’ailleurs choisi de clore l’exposition sur son propre tombeau. « Pour la série Tokyo Tombeau, je souhaite montrer mes photos comme une peinture japonaise sur rouleau, en les juxtaposant les unes à côté des autres, sans encadrement, tout en longueur. C’est une combinaison entre les photos de mes débuts et celles de l’au-delà. »
Le voeu des commissaires est de faire changer le regard du visiteur occidental sur Araki. Mission accomplie ! Loin de l’image légère et fleurie qui me restait de la très belle exposition organisée au Barbican Center sur Araki en 2005, je suis ressortie en ayant pleinement conscience de la dimension mortuaire qui traverse l’oeuvre de l’artiste. De ses fleurs flétries aux tombeaux en passant par ses photographies de cieux. Heureusement, le magnifique bouddha japonais choisi dans les collections du musée Guimet par Araki pour son tombeau, vous transmet sa bonne énergie pour repartir le sourire aux lèvres !