Jusqu’au 23 mai 2016
Centre Pompidou, Galerie de photographies, Forum -1, Entrée libre
Les expositions de la Galerie de photographies sont un prétexte à exposer les collections du Centre Pompidou, qui possède pas moins de 40.000 tirages. Toutes ne m’ont pas convaincues. Mais cette dernière, centrée sur les années 1980, est particulièrement brillante !
La volonté de la commissaire de l’exposition Karolina Ziebinska-Lewandowska (conservatrice, Cabinet de la photographie, Musée national d’art moderne) est d’offrir un panorama non exhaustif (la salle est restreinte) de la scène photographique occidentale pour deux raisons. D’une part, d’un point de vue technique, elle connaît le développement de la couleur, du Polaroid et du grand format ; d’autre part, le marché de l’art est en plein essor.
Que se passe-t-il donc sur cette scène artistique ? Le surtitre de l’exposition, une référence tronquée au roman de Kundera, nous donne un indice. Derrière le discours académique officiel selon lequel « tout roule dans les années 1980 ! », certains artistes marginaux crient leur désillusion. De fait, le chômage ne cesse d’augmenter (déjà), les réformes de Thatcher sont catastrophiques sur le plan social, le Sida fait des ravages, etc.
L’ensemble des oeuvres présentées révèlent ainsi une critique de la société : son individualisme, sa théâtralité, la domination de la consommation et le nivellement par le bas de la culture. Diverses stratégies sont mises en oeuvre pour arriver à cette fin.
Le Britannique Mark Wilcox (né en 1959) déconstruit les codes artificieux des films hollywoodiens en faisant progressivement apparaître le décor des studios (Calling the shots [Tirer les ficelles], 1984).
Martin Parr (The Cost of Living, 1986), Karen Knorr (Gentlemen, 1983) et Florence Paradeis (Sans titre – Série 1 : 1988-1989, 1988) rendent compte des moeurs de la classe moyenne et de la bourgeoisie, donnant raison en cela à Pierre Bourdieu qui affirmait que l’appartenance sociale détermine un style de vie.
Les artistes de la troisième salle jouent du détournement, fabriquant des images mêlant réalité et fiction. Le Néo-Zélandais Boyd Webb met en scène des déchets de la société, en particulier, des déchets de plastique, donnant à croire qu’il photographie des êtres naturels – l’illusion est saisissante ! -, en l’occurence, une sorte de grosse méduse flottant sur l’eau dans Denizen (1989).
La dernière partie est consacrée au rôle du portrait, qui interroge les notions d’identité et de statut social. Des autoportraits saisissants d’Ellen Carey (Self-Portrait, 1987) aux joueurs d’échec de Clegg & Guttmann (1985), en passant par la manipulation de Grace, muse fétiche de Jean-Paul Goude.
Si les oeuvres sont diverses, elles se rejoignent dans leur volonté de s’afficher anti-documentaires… pour finalement se révéler une représentation saisissante de ces années !