Fondation Cartier pour l’art contemporain, 261 bd Raspail 75014
27 octobre 2006 – 4 février 2007
Rens.: 01 42 18 56 50
A la Fondation Cartier, une jeune artiste étrangère inédite – la Japonaise Ayako Tabata, dite Tabaimo (Petite soeur de Tabata) – fait face à l’Américain Gary Hill dont la réputation n’est plus à faire. Une mise en abîme?
La vidéo ici présentée – Japanese Commuter Train (2001) – emmène le visiteur dans un train de banlieue, scindé en deux. Placé au centre, le spectateur assiste au cheminement virtuel d’un wagon, dans lequel se déroulent des scènes incongrues: un cuisinier
« A mon sens, seul un environnement qui suscite le malaise peut déclencher une prise d’initiative chez des personnes comme nous, accoutumées à la passivité de la culture des loisirs », commente Tabaimo. « Et cette prise d’initiative est nécessaire pour compléter l’histoire qui racontent les images placées sous les yeux du spectateur. […] Je souhaite qu’en contrepartie de ces impressions, le spectateur garde le souvenir d’une expérience unique qui n’appartient qu’à lui ».
« Une fois passés par le filtre des médias, les événements sont transformés en simples informations dénuées de toute charge émotionelle, et c’est ainsi qu’on les perçoit alors que ce sont des incidents graves qui créeraient des bouleversements extraordinaires s’ils se produisaient dans notre entourage proche », explique Tabaimo. […] « Je souhaite rendre l’expression de mon ‘moi’ pris dans le miroir des médias ».
Tabaimo est une artiste prodige. Elle reçoit le prestigieux Kirin Contemporary Award à 23 ans, après Kitchen (1999) qui la révèle. En 2001, elle est la plus jeune à être invitée à la Triennale de Yokohama. Sa nouvelle création pour la Fondation Cartier ne dément pas cette carrière fulgurante.
Oeuvre dualiste également pour Gary Hill (né en 1951), mais bien plus (trop?) complexe. Dans ses deux dernières oeuvres – Guilt (2006) et Frustrum (2006) – G. Hill met en perspective la notion de valeur – celle de l’art et de l’argent -, sa signification et son ambiguïté.
Frustrum représente un aigle pris dans un pylône électrique. Sous ses pieds, un immense bassin d’huile noire refléchit sa silhouette. Au centre du bassin, un lingot d’or – réalisé par la maison Arthus-Bertrand – porte l’inscription « For everything which is visible is a copy of that which is hidden » (« De toute chose visible il existe une copie qui est invisible »). Cette phrase est déchiffrable sur l’écran plasma de la mezzanine attenante. D’où la problématique de l’accès au sens.
L’aigle, emprisonné, tente de s’échapper. Chaque battement d’aile est ponctué d’un bruit de fouet qui se répand dans la salle. Malmené, le corps chez Gary Hill est l’expression de la conscience de notre propre finitude et un moyen de penser l’altérité.
Deux artistes culturellement opposés, qui se rejoignent pourtant dans leur compréhension de l’art – la mise à distance du réel qu’il impose, pour mieux percevoir notre entourage, et in fine, vivre « éclairé », en digne être humain.