De Cézanne à Picasso, chefs-d’oeuvre de la galerie Vollard
Jusqu’au 16 septembre 2007
Musée d’Orsay, niveau 0, côté Seine, grand espace d’exposition, 62 rue de Lille 75007, 01 40 49 48 00, 9€ (dimanche: 7€)
Le musée d’Orsay organise une exposition lumineuse sur l’homme hors norme à l’origine de l’évolution de la peinture moderne – le marchand Ambroise Vollard (1866-1939). Van Gogh, Cézanne, les Nabis, Degas, Gauguin, Picasso, Matisse, Mary Cassatt, Vlaminck, Rodin, Maillol, etc., lui doivent leur percée sur le marché de l’art mondial. Ainsi que les premiers « livres d’art » illustrés qui leur sont consacrés.
Ambroise Vollard a non seulement joué un véritable rôle de mécène auprès des artistes. Il finance leurs recherches (Rouault), leurs voyages à l’étranger (Derain), les incite à créer des sculptures (Bonnard, Maillol, Renoir, Picasso), des gravures (Nabis) ou des céramiques (Fauves). Mais cet homme mythique édite surtout pour la première fois des livres d’artistes illustrés.
Entretenant des rapports privilégiés avec « ses » poulains, Vollard est aussi l’auteur de monographies sur Cézanne, Degas, Renoir. Bibliophile et écrivain, il écrit ses Souvenirs et invente une suite farfelue aux aventures du Père Ubu d’Alfred Jarry.
Ambroise Vollard naît à Saint-Denis de la Réunion. Son père Alexandre-Ambroise, clerc de notaire, a quitté la région parisienne très jeune. Il épouse Marie-Louise-Antonine Lapierre, avec qui il aura dix enfants. Ambroise est l’aîné.
Le jeune homme arrive à Paris en 1887, pour préparer son doctorat en droit. Son passe-temps favori consiste à flâner le long des quais pour admirer les dessins et gravures des bouquinistes. Un an après, il renonce à son doctorat et se lance dans le commerce de tableaux, sans relations ni expérience véritable, hormis un sens esthétique pointu.
Le célèbre galeriste Georges Petit lui tourne le dos parce qu’Ambroise ne sait parler aucune langue étrangère et Alphonse Dumas refuse sa proposition d’exposer les Impressionnistres…
Qu’à cela ne tienne. Pourvu d’un flair imparable, d’une curiosité et d’une énergie à toute épreuve, Vollard devient très vite l’homme charnière du marché de l’art parisien. Un petit cercle qui développe progressivement des ramifications internationales. Sa micro galerie – 3m de large – de la rue Laffitte (au numéro 37 puis au 39, dans le neuvième arrondissement parisien) devient le rendez-vous des artistes les plus talentueux et de richissimes collectionneurs internationaux. Les dîners que Vollard organise dans la cave de son hôtel particulier rue Las Cases (VIIe arrondissement), photographié par Brassaï, sont corrus par le Tout-Paris.
Physiquement, Ambroise Vollard est un « géant; mais un géant mou », écrit le poète André Suarès (1868-1948), comme l’atteste le tableau de Bonnard qui le représente avec son chat, aussi appelé Ambroise, sur ses genoux. Un corps imposant doté d’une voix grêle, atteinte d’un léger zézaiement, qui surprend pour un homme de cette carrure. Il a le teint mat et les paupières lourdes. Il semble continuellement somnolent. Etait-ce une ruse pour observer à sa guise ce qui l’entoure ou une forme de neurasthénie?
Gertrude Stein évoque « un grand homme noir, plein de mélancolie », même quand il était joyeux. « Quand il était vraiment maussade, il appuyait sa lourde silhouette contre la porte vitrée de son magasin, qui donnait sur la rue; étendant ses bras au-dessus de sa tête, il accrochait ses mains aux deux coins supérieurs du chambranle et il fixait la rue de ses yeux sombres. Alors personne ne songeait à essayer de pénétrer chez lui ».
Malgré cette torpeur lancinante, Vollard s’agite dans tous les sens, organisant une dizaine d’expositions par an, vendant à bout de bras et faisant fortune. Il met en place la première exposition de Van Gogh et de Cézanne – « le père de la modernité » – en 1895. Celle des Nabis et de Gauguin en 1898 autour du grand tableau D’Où venons-nous? Que sommes-nous? Où allons-nous?. Celle d’Emile Bernard, d’Iturrino et de Picasso en 1901. De Matisse en 1904, Mary Cassatt en 1908 et Vlaminck en 1910.
Sa mort accidentelle et mystérieuse fragmente sa collection exceptionnelle. Et participe à alimenter le mythe de cet homme secret, qui a fait de Paris la capitale de l’art moderne.
L’une des versions du décès de Vollard suppute que lorsque sa Talbot décapotable, conduite par son chauffeur, quitte la route de Tremblay-sur-Mauldre (Yvelines) en juillet 1939, une plaque de cuivre posée sur la plage arrière de la voiture lui aurait frappé la nuque. Une autre hypothèse, bien plus poétique, avance que Vollard aurait reçu sur le crâne une statuette en bronze de Maillol. L’art achevant l’homme qui a découvert et fait connaître les plus grands artistes modernes…
Les oeuvres présentées dans cette exposition sont fabuleuses. On découvre des trésors à chaque pas, provenant des plus grands musées du monde – Orsay (Paris), Metropolitan Museum of Art (New York), Art Institute (Chicago). Seuls les cartels explicitant le contexte de l’achat ou de la production des oeuvres, pourtant fort intéressants, font défaut en raison d’une typographie trop petite. Alors munissez-vous d’une loupe et de beaucoup de patience au vue du succès de l’exposition dès le vernissage…