1000 ans d’imaginaire japonais
Jusqu’au 25 mars 2024
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Musée Guimet, 6 place d’Iéna, Paris 16e
Le musée Guimet présente l’univers raffiné de la cour impériale japonaise de l’époque Heian (794-1185). Fil rouge de l’exposition : le Dit du Genji, premier roman de l’Histoire écrit par une femme au 11e siècle, la poétesse Murasaki Shikibu.
L’exposition recrée l’univers de la cour impériale, avec son architecture traditionnelle en bois. Le bouddha Amida assis en bois sculpté (première moitié du 11e siècle), une des rares pièces conservées par le musée Guimet de l’époque Heian, souhaite la bienvenue aux visiteurs.
Les écritoires, boîtes laquées à encens précieux, estampes, paravents constituent des témoignages de la vie de cour impériale. Le 11e siècle est marqué par une grande liberté féminine qui s’empare du style waka, mêlant prose et poésie. Les élites à la cour s’échangent de nombreux poèmes par jour comme nous le faisons aujourd’hui avec les sms !
Murasaki Shikibu (vers 973-vers 1014/25) est l’auteure la plue connue de l’époque Heian. Reconnue de son vivant, elle fait partie des trente-six poétesses éternelles. Le Dit du Genji est considéré comme le premier roman psychologique mondiale, pilier de la littérature classique japonaise. Exprimer ses émotions est au coeur de l’intrigue du roman. La beauté y est exaltée sous toutes ses formes : l’apparence physique, mais aussi le comportement, le langage et la calligraphie. L’écriture doit être élégante ; elle témoigne de la sensibilité et des qualités des individus.
L’estampe japonaise est ici représentée par l’école Utagawa fondée par Utagawa Toyoharu (1735-1814). Son apport essentiel est l’intégration de la notion de perspective, alors absente de la peinture japonaise. Son école compte 400 membres jusqu’à la fin de l’ère Meiji en 1912 et réalise plus de la moitié des gravures sur bois connues mondialement. Citons Utagawa Hiroshige (1797-1858), célèbre pour son illustration des 53 Stations du Tokaido, qui consacre l’art du paysage dans l’estampe japonaise du 19e siècle. Il réalise également une série de cinq estampes sur le thème du Dit du Genji vers 1852, qui renouvelle l’imaginaire autour du roman.
Pour se déplacer, le palanquin est de rigueur pour les femmes aisées, afin de ne pas être vue ni salir leur tenue précieuse. Un exemplaire recouvert de laque noire, au décor extérieur fleuri à la laque d’or, trône dans la grande salle. Au sein des rinceaux figurent les armoiries du clan des Tokugawa (trois pétales tournés vers l’extérieur). L’intérieur, tapissé de papier, présente des scènes du Dit du Genji, réalisées sur fond d’or. Le prince Genji lui se déplace en char à boeufs, qui est devenu son symbole et celui de bon augure.
Le Dit du Genji a inspiré de nombreux artistes et artisans. Jusqu’au manga contemporain qui ré-interprète les codes picturaux, les thèmes et les scènes de l’histoire du Genji avec une grande inventivité. Comme Asaki yume mishi de Waki Yamato ou la récente édition de Sean Michael Wilson, illustrée par Inko Ai Takita (cf. sol et mur d’une salle de l’exposition).
La seconde partie du parcours est consacrée à Itarô Yamaguchi (1901-2007), maître tisserand du quartier de Nishijin à Kyoto, qui a tissé et donné au musée Guimet quatre rouleaux illustrant le Dit du Genji. Réalisés d’après des rouleaux peints de l’époque Heian, par hybridation avec la technicité occidentale de la mécanique Jacquard et son avatar numérique, les quatre rouleaux sont montrés pour la première fois ensemble et déroulés dans leur intégralité sur trente mètres de long. À observer de droite à gauche ! Ils sont présentés avec des objets du quotidien, dessins préparatoires et œuvres tissées par le maître.
« Derrière la romance, du Dit du Genji se lit entre les lignes une critique de la place des femmes dans la société et des conseils politiques comme savoir renverser son rival ! », commente Aurélie Samuel, commissaire de l’exposition. Laquelle nous donne envie de nous plonger dans cet ouvrage brillamment intemporel.