Jusqu’au 8 avril 2013
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Musée du Louvre, aile Sully, salle de la Maquette (entrée par la pyramide), Paris I
En relation avec l’ouverture des nouvelles salles consacrées au département des Arts de l’Islam, le musée du Louvre a invité Walid Raad (né en 1967 à Chbanieh, Liban, vit aujourd’hui à New York) pour trois ans. L’artiste présente aujourd’hui le premier volet de son oeuvre.
Attention au méli-mélo! L’exposition s’appelle « Préface à la première édition ». Elle comprend l’installation Section 88 : Views from inner to outer compartments (2011) ; la vidéo Préface à la deuxième édition (2012) ; et le livre d’artiste Préface à la troisième édition (2013).
(1) L’installation propose une vision architecturale flottante, semi-abstraite qui prolonge la réflexion de l’artiste sur les architectures des grands musées. Elle relie des formes plates suspendues, réalisées à partir de photographies – medium clé dans l’oeuvre de l’artiste – d’espaces intérieurs de musées, pour la plupart occidentaux (Pinacothèque de Munich, Metropolitan de New York), dont un simple squelette a été retenu. Il accompagne cette ligne flottante, dont chaque partie est éclairée de manière cyclique, jouant des effets d’ombre et de lumière sur les murs et le sol, d’une fiction quant à l’ouverture prochaine du musée du Louvre à Abou Dabi.
(2) La vidéo débute par un champ polychrome saturé. Progressivement des ombres d’objets tentent de se frayer un chemin, apparaissant, disparaissant et jouant avec les lignes et les couleurs des photographies dont ils font l’objet. L’artiste aborde ici la dernière campagne photographique produite pour le catalogue des collections du département des Arts de l’Islam. « Il met en tension l’histoire de la documentation visuelle des oeuvres d’art, depuis les impressions des premiers catalogues illustrés, jusqu’à une autre forme d’abstraction, celle de l’imagerie numérique », commente, Marcella Lista, commissaire de l’exposition.
(3) Idée reprise dans son livre d’artiste, conçu comme un assemblage de planches libres, représentant des oeuvres hybrides nées de superposition, de greffes, entre différentes oeuvres présentées dans les salles des Arts de l’Islam. Ainsi d’une reliure iranienne du XVIIIe siècle, à décor floral peint, recouvrant un manche de poignard en jade moghol du XIXe siècle, sculpté en tête de cheval. Ou une tête princière en ronde bosse iranienne du XIIe siècle, découpée par la forme d’un bol iranien du XVe siècle. Si les oeuvres sont plates [contrairement au préjugé répandu, l’islam n’interdit pas la représentation figurative humaine ou animale mais la triple dimension – les oeuvres doivent être plates], leurs ombres leur apportent une seconde dimension. Tout en laissant la trace d’un référent qui se serait absenté partiellement de l’image. Il en résulte une méditation visuelle destinée à inciter le lecteur à ranger les planches dans un ordre qui lui est propre.
Walid Raad axe sa réflexion sur un fait ambigu : les musées anciens occidentaux s’ouvrent aux Arts de l’Islam tandis que de nouveaux musées se créent au Moyen-Orient mettant l’accent sur l’art ancien et la scène émergente. Eclipsant au passage le XXe siècle, « autrement dit l’héritage de la modernité et avec lui celui d’un humanisme cosmopolite et critique » (Marcella Lista).
S’appuyant sur la pensée de Jalal Toufic, l’artiste considère que les artistes n’ont pas accès à certaines formes et couleurs, non pas en raison de leur disparition matérielle mais du fait des conflits qui affectent les objets (The Atlas Group, fin des années 1980, critiquait l’autorité du document historique, de même que Préface à la deuxième édition évoque le sort des objets qui seront emballés et quelque part « abîmés » pour être transportés jusqu’à Abou Dabi).
Dommage que cette première exposition au sein du musée du Louvre ne soit pas aussi intense visuellement que la portée de la réflexion artistique de Walid Raad (les images presse rendent mieux que la réalité, certainement à cause de l’éclairage trop sombre de la salle de la Maquette). Comme il n’y a pas de catalogue d’exposition, vous pouvez assister à la conférence tenue par l’artiste le 22 mars dans l’auditorium du Louvre (18h30-21h30, entrée libre dans la mesure des places disponibles). Et espérons que le deuxième volet de son projet (prévu pour 2014, au sein même du département des Arts de l’Islam) sera plastiquement plus percutant!