Jusqu’au 16 septembre 2012
Espace culturel Louis Vuitton, 60 rue de Bassano, Paris VIII, Entrée libre
Exposition mathématique, musicale, fluide, à la fois contrôlée et imprévisible. Bienvenue dans la zone de « Turbulences » de l’Espace culturel Louis Vuitton.
Dès l’entrée, le visiteur est accueilli par des Pixels Liquides, imaginés par Miguel Chevalier (né en 1959 à Mexico). Ce rideau de fils forme un écran mouvant sur lequel apparaissent des tourbillons et des spirales colorés. La juxtaposition de pixels forme des lignes et des couleurs et devient ici un dripping électronique – l’Action Painting numérisé en quelque sorte.
Sorti de l’ascenseur noir d’Olafur Eliasson, le visiteur est absorbé par le bas-relief mural blanc de Loris Cecchini (né en 1969 à Milan). Des ondes circulaires semblent sortir du mur. A force de l’observer, on ne sait plus si le mur les absorbe ou les rejette. Ces Wallwaves transforment ce qui est solide en liquide ; ce qui est sensé être stable, dur, ondule et se liquéfie. « Comme si la matière exprimait les vibrations de ses composants ultimes ou bien réagissait à notre instable et fugace présence », commente David Rosenberg, commissaire de l’exposition avec Pierre Sterckx (le duo avait déjà orchestré la fabuleuse exposition « Vraoum » à la maison rouge).
Ensuite vous avez le choix entre poursuivre sur votre droite pour vous laisser surprendre par le long dessin de Jorinde Voigt (née en 1977 à Francfort) – la jeune femme a reçu le prix Guerlain du dessin contemporain en mars 2012. S’étalant sur quatorze panneaux, il consiste en des notations écrites d’un système numérique, le tout formant comme une toile d’araignée musicale qui représente en sus des figures chorégraphiques de couples s’embrassant.
Ou bien – et c’est ma préférence, de manière à terminer l’exposition par son oeuvre la plus emblématique – vous tournez sur votre gauche et vous vous asseyez pour prendre le temps d’admirer le mobile d’Elias Crespin (né en 1965 à Caracas). Des fils de nylon relient de fins tubes en inox au plafond où sont dissimulés des moteurs électriques composés d’un condensateur tantale. Ils forment un ballet – géré par ordinateur – se désintégrant avant qu’un nouveau cycle s’enchaîne pour former une autre structure. »Ressacs de vagues, déploiements d’une galaxie-spirale, orbites elliptiques des planètes, crêtes et creux d’une onde : c’est comme si un souffle, une onde de turbulence traversait une structure ou un ensemble d’éléments au repos afin de l’animer et de lui donner vie », développe David Rosenberg.
Oeuvre saisissante que celle de Sachiko Kodama (né en 1970 à Kagoshima). Sa sculpture, Les Tours Morphiques, se meut dans un liquide noirâtre qui réagit aux champs magnétiques. Le ferrofluide surgit des tours comme des graines qui germent puis disparaît avant de renaître, selon « un art du passage (le mâ en zen) caractéristique de la culture japonaise », dixit Pierre Sterckx.
L’oeuvre la plus emblématique de l’exposition par rapport au terme « turbulences » est sans aucun doute La Forme littérale de Petroc Sesti (né en 1973 à Londres). Un tourbillon se forme et se déforme dans un milieu hydraulique, contenu dans une sphère en verre. Positionné dans l’angle de la pièce, cette magnifique sculpture donne sur la terrasse d’où l’on aperçoit les hauteurs parisiennes.
Extrêmement bien conçue, cette exposition donne à réfléchir sur la destinée de la sculpture, qui avec l’aide des nouvelles technologies ne simule plus le mouvement telle que le recherchait la statuaire antique mais lui est intrinsèque. Les artistes contemporains ne travaillent plus une matière mais un matériau, assimilé au temps. Qui fuit nécessairement. Finalement, Anciens, Modernes et Contemporains se retrouvent dans cette problématique qui forme la quintessence de la vie humaine!