Jusqu’au 6 août 2012
[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Musee—Exposition-BILLET-MUSEE—EXPOSITIONS-POMPI.htm]
Centre Pompidou, Galerie Sud, Paris IVe
Anri Sala, artiste albanais (né en 1974 à Tirana), représentera la France à la 55e biennale d’art Venise (2013). Son travail est actuellement exposé au Centre Pompidou. Conçu comme une oeuvre en soi, il ne s’agit ni d’une rétrospective ni de la mise en avant d’une oeuvre en particulier. Mais d’un remontage de quatre films qui donne toute son importance à la musique. Explications.
La main du chef d’orchestre Ari Benjamin Meyers se lève. Elle entraîne à chaque début de séquence, le spectateur d’un écran à l’autre. Les films jouent le rôle d’instruments de musique. Tout en diffusant du bruit, ils dialoguent avec les sons produits dans la Galerie Sud par des batteries et la boîte à musique No Window No Cry.
Pour cette exposition, 1395 Days without Red (2011) a été découpé et remonté avec trois films antérieurs – Answer Me, Le Clash, Tlatelolco Clash – afin d’obtenir douze séquences de près d’une heure, projetées successivement sur cinq écrans. Parfois, deux films jouent en même temps sur deux écrans différents. Ou un même film, projeté sur un écran, se poursuit sur un autre. Chaque film constitue un élément d’une symphonie visuelle et sonore.
Le son amène le spectateur à l’image, l’incitant à se déplacer dans la Galerie Sud. Une image débute là où le son se déclenche, près de chaque projection. Mais aussi à divers endroits, grâce à la multiplication des sources sonores. « Sala refuse, à travers un son spatialisé souvent hors champ de l’image, le causalisme sonore du cinéma, où l’on peut identifier exactement l’origine et la cause du son. Il se situe désormais au-delà de l’audio-vision classique », explique la commissaire de l’exposition Christine Macel.
La musique joue ainsi un rôle essentiel ; elle relie les différents acteurs, réels ou fictifs. Dans les films, les personnages sont liés entre eux et au lieu par la musique.
Autre caractéristique de cette oeuvre singulière : l’architecture du lieu interne est dépassé pour embrasser l’ensemble de l’environnement urbain. L’artiste utilise la façade de fenêtres laissées libres sur la rue Saint-Merri vers la fontaine Stravinsky, comme un écran sur la ville. Les passants sont confrontés à l’espace d’exposition, tandis que les visiteurs rencontrent dans leur champ de vision, à la fois les images de personnages filmés déambulant dans les espaces urbains, et les passants à l’extérieur du Centre Pompidou. Dans un mélange de fiction et de réalité.
« Je m’intéresse aux choses que l’on raconte par le biais des images mais pas forcément par le langage. J’ai tendance à remplacer le langage en tant que forme privilégiée de narration. Quand les images racontent quelque chose elles arrivent toujours à conserver une part d’ambiguïté. Je suis également intrigué par la musique comme moyen narratif. Sa manière d’aborder la signification est différente de celle du langage. La musique peut résister à la signification », commente Anri Sala.
Si les films de Sala revêtent une dimension politique, il s’agit plutôt, selon les termes de l’artiste, d’une « résistance intime et civile ». Dans 1395 Days without Red, une femme traverse la ville de Sarajevo, évoquant le siège qu’a connu la ville de 1992 à 1995, où tous évitaient de porter du rouge pour ne pas constituer une cible pour les snipers. Mais le contexte de la guerre est secondaire par rapport au corps qui incarne un instrument de musique. Le souffle de la jeune femme en marche correspond, de fait, au basson d’un orchestre jouant une symphonie de Tchaïkovski.
De même, Tlatelolco Clash (2011) exhibe comme cadre la place des Trois Cultures de Mexico – lieu de reddition des Aztèques face à Cortes en 1521, marquant le début de l’histoire mexicaine contemporaine. Et lieu du massacre de 300 étudiants en 1968 par l’armée et la police. Pour autant, ce qui compte dans le film, ce sont les personnages qui apportent une partie de la partition de Should I Stay or Should I go des Clash pour la jouer dans un ordre aléatoire avec un orgue de barbarie.
Dans Answer Me (2008), Sala rend compte des silences lors de la séparation d’un jeune couple. La femme verbalise la rupture par « answer me« , « it’s over« , alors qu’aucun de ses gestes ou expressions n’exprime d’émotions. Son visage est filmé en flou et ses paroles se dissolvent jusqu’à devenir inaudibles. A l’inverse, l’homme remplace les mots par la batterie et communique de manière plus vibrante « dans une sorte de violence qu’il se fait à lui-même ».
La musique permet ainsi à Anri Sala de résister à la narration et d’en dire plus que des mots.
A voir aussi « Multiversités créatives » (Espace 315, juste à côté de la Galerie Sud), exposition consacrée à la prospective industrielle et aux nouveaux territoires et outils créatifs. Quinze projets, spécialement conçus pour l’exposition par une jeune génération de créateurs, éclairent les problématiques émergentes de plusieurs disciplines réunies sous la bannière de Prospective industrielle: l’architecture, le design, les nouvelles technologies et l’innovation sociale.
Ping :Anri Sala au Centre Beaubourg | @phorismes