L’Orient des Femmes vu par Christian Lacroix
Jusqu’au 15 mai 2011
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Musée du quai Branly 75007
Aujourd’hui synonyme de noir épais, la garde-robe des femmes d’Orient a longtemps été composée d’une myriade de couleurs. Chrisitan Lacroix revisite les réserves textiles du musée du quai Branly, complétées par le prêt de Madame Widad Kamel Kawar (auteur de Mémoire de soie) qui détient une exceptionnelle collection de costumes et parures du Proche-Orient. L’ensemble forme une exposition-promenade, dans laquelle ces « objets-mémoire » retrouvent une seconde vie. Et tordent le cou à la vision que renvoient les médias au sujet de la liberté de création de la gente féminine orientale.
Le parcours de l’exposition s »ouvre sur une robe de petite fille du XIIIe siècle retrouvée dans une grotte au Liban. Il propose ensuite de découvrir les parures, datant pour la plupart de la fin du XIXe sicèle, des femmes de la région du « croissant fertile », de la Syrie au Sinaï. Ce cheminement, légèrement accidenté à l’image des reliefs des terres d’Orient, se fait du noir au blanc – clin d’oeil à la traditionnelle robe de mariée qui clôt les défilés de mode.
Les costumes orientaux brodés ont pour motifs récurrents les formes géométriques et les éléments cosmiques tels le soleil, la lune et l’étoile. Les brodeuses s’inspirent souvent de leur environnement proche – branches d’oranger, de pommier, vigne, cyprès, palmiers, oeillets, oiseaux. L’arbre de vie, symbole d’immortalité, occupe également une place importante.
Au-delà des symboles, les parures, par le choix de leurs couleurs, sont révélateurs de croyances superstitieuses. Le bleu indigo, par exemple, a pour objectif de chasser le mauvais oeil.
« Quelle leçon d’expression personnelle sur un thème donné, quelle habileté à aborder la figure imposée, pour nous qui vivons dans un monde normalisé et formaté, où chaque écart de couleur détonne dans l’uniformité », s’exclame Christian Lacroix, directeur artistique de l’exposition.
L’artiste poursuit: chaque femme a « imprimé sa sensiblité profonde, composé comme un musicien la petite musique secrète qui l’habitait, rédigé comme un écrivain la chronique d’une existence rêvée, idéale. Elles se sont façonné, telles des plasticiennes, une seconde peau, de protection et de séduction, ont associé en bons peintres des couleurs osées mais évidentes une fois posées, dont l’harmonie nous laisse encore songeurs, ont mélangé avec la dextérité d’ensembliers-décorateurs les motifs et techniques les plus pardoxaux ».
Ce à quoi répond Hana Chidiac, commissaire de l’exposition: « Quel plus bel hommage que le regard admiratif d’un aussi talentueux artiste pouvait-on offrir à ces femmes orientales? »
Animé d’une telle symbiose, l’équipe de commissariat de l’exposition ne pouvait que réussir dans sa tâche: non seulement offrir un panorama « ethnographique » via les costumes ancestraux. Mais aussi, susciter un fort pouvoir émotionnel, engendrer plaisir et fascination pour cet Orient, déjà porteur en soi de tant de fantasmes, véhiculés par les contes.
Aujourd’hui, en raison de la mondialisation et de l’exacerbation du fontamentalisme, seules quelques femmes âgées continuent de suivre une tradition vestimentaire bigarée. Reflet pourtant d’un riche patrimoine identaire qui véhicule des influences culturelles aussi diverses et anciennes que persanes, turques, byzantines, voire caucasiennes et albanaises.
A noter: Conférence sur « Le voile dans l’histoire de l’Europe et dans l’histoire de l’Orient » par Elisabeth Dufourcq et Fanny Colonna le 05/05/2011 à 18h30 (Auditorium du musée).