Résurgences d’Ayerdhal
Editions Au Diable Vauvert, avril 2010, 504p., 22€
Auteur de la région lyonnaise, Ayerdhal (né en 1959) a enchanté la critique avec son thriller psychologique Transparences (2005), lauréat du Prix du Polar Michel Lebrun, actuellement en cours d’adaptation cinématographique. Cinq ans après paraît la suite de l’affaire Ann X, Résurgences. Qui débute fort: la liquidation sans sommation de son héroïne…
Forcément, on n’ose pas y croire! Et d’une, le lecteur n’apprécie pas quand le protagoniste partage le même sort funeste que le commun des mortels, surtout dès les premières pages. Et de deux, comment justifier les 500 pages suivantes?!
C’est là qu’il faut reconnaître qu’Ayerdhal a le don de retourner les situations en un tour de main incomparable… C’est même ça qui procure toute la densité de ce thriller. Enfin pas toute, plutôt entre autres.
Car, outre la multiplication des intrigues, le rythme narratif effréné (plus que dans le premier volet, qui alternait entre phases d’action et de piétinement, reflet de l’évolution de l’enquête policière menée par Stephen Bellanger), l’auteur développe un style littéraire riche en tournures, parfois un peu trop poussées – je ne garantirai pas le sens réel de certaines -, mais recherchées à n’en pas douter.
Par ailleurs, ses personnages ont une personnalité particulièrement développée.
Anne X, aussi appelée Annalida, Mme Jeanne, Anaïs, et Naïs pour les intimes, qui ressemble d’un peu trop près à l’héroïne de Stieg Larsson, Lisbeth Salander – sévices sexuels pendant l’enfance qui déterminent leur comportement adulte asocial et violent -, la beauté et l’exotisme en plus – elle manie à la perfection le sabre japonais. Son atout principal étant la transparence grâce à ses talents de grimage.
Stéphane Bellanger, criminologue québécois, employé par Interpol, pris dans une sorte de syndrome d’Helsinki vis à vis de celle qui lui mène la vie dure par ses exactions aux quatres coins du monde. Philippe Decaze, supérieur de Stephen, aussi tordu que la hiérarchie des renseignements secrets qu’ils soient français ou étrangers – j’avoue qu’entre l’implication de la DST, DCRG (fusionnées en DCRI en 2008), du FBI, de la CIA, de la NSA, du Mossad (service secret israélien), du Qingbao (services secrets chinois), et j’en oublie, je m’y perdais de temps en temps.
Puis il y a les personnages pas si secondaires comme Michel, SDF de son état mais doté d’un esprit surprenamment alerte, et sa copine journaliste et agent littéraire en herbe Nadia Kerrouch; Meï Blanchaï, Carl Nussbauer, Dietmar Stamm, alternativement alliés et bâtons dans les roues pour Stephen, Iza et Inge Stern, etc.
Tout le thriller gravite autour de la thématique des méchants intérêts politoco-économiques qui ourdissent des complots au niveau international. Face à eux l’intelligence d’un esprit canadien qui va les mettre à jour – à la barbe de ses collègues français -, sans pouvoir pour autant assainir la vilenie du monde. Le tout sur fond de revendicaions sociales gauchistes.
Alors oui, j’ai beaucoup aimé le suspens de l’intrigue mais je me suis lassée des passages de pseudo analyse de l’univers des sans papiers et de la forcément, même pas im- mais a-moralité de ceux qui nous gouvernent. Un discours finalement très socialement correct qui va à l’encontre de l’audace narrative de l’auteur pour tenter de mettre à jour la complexité des relations diplomatiques par agences de sécurité nationale interposées.
Si Ann X ressemble effectivement à Lisbeth Salender, il ne faut pas oublier que Transparence et la trilogie de Stieg Larson ont été publiés, chacun dans leur langue d’origine, la même année, 2004 ;-)