Robert Doisneau – Du métier à l’oeuvre
Jusqu’au 18 avril 2010
Fondation Henri Cartier-Bresson, 2 impasse Lebouis 75014, 6€.
De manière concomittante à la relecture de l’oeuvre d’Eliott Erwitt (MEP + Magnum Gallery), la Fondation Henri Cartier-Bresson propose une nouvelle approche des clichés de Robert Doisneau (1912-1994). Pour montrer comment Doisneau est passé du « métier à l’oeuvre » (Jean-François Chevrier). C’est surtout l’occasion pour le public de découvrir l’envers du décor: loin du poétique parisien, Doisneau illustre son attachement pour sa natale banlieue.
Né à Gentilly, Robert Doisneau restera toute sa vie fascinée par la banlieue. Son laboratoire photographique autant qu’ont pu l’être les rues de Paris. Jean-François Chevrier, dans Robert Doisneau (coll. Les grands photographes, 1983) évoque le besoin de Doisneau de « fixer ce qui était en train de disparaître » et de laisser le « souvenir de ce petit monde qu’il aimait ».
Les images sélectionnées pour l’exposition, une centaine d’épreuves originales issues pour la majorité de son atelier et de collections privées ou publiques, ont été prises entre 1930 et 1966 à Paris et dans sa banlieue.
Le premier reportage que réalise Doisneau, paru dans Excelsior, immortalise le marché aux puces de Saint-Ouen (1932).
Après son service militaire, il entre au service photo des usines Renault à Boulogne Billancourt. Il y reste cinq ans, photographiant ateliers, ouvriers, chaînes de montage. Il est licencié en 1939 pour cause de retards répétés.
Charles Rado, fondateur de l’agence Rapho, lui offre un contrat de photographe indépendant. Alors qu’il réalise sa première commande, la Seconde Guerre mondiale éclate. Lorsque les Nazis déferlent à Paris, il se réfugie dans une ferme poitevine. C’est dans cette région qu’il réalisera dix ans plus tard une de ses photos les plus célèbres (Le ruban de la mariée).
Pour survivre, il fabrique des cartes postales en photographiant les monuments napoléoniens qu’il revend au musée de l’Armée. Il utilise également son expertise en gravure (il est diplômé en gravure-lithographie de l’Ecole Estienne) pour la Résistance et fabrique de faux-papiers.
En 1945, Doisneau rencontre Blaise Cendrars à Aix-en-Provence, lors d’un reportage pour L’Album du Figaro. L’écrivrain est l’un des premiers à s’intéresser au travail du photographe sur la banlieue. Quatre ans plus tard, Doisneau publie La banlieue de Paris, en collaboration avec Cendrars.
L’Agence Rapho reprend du service en 1946 sous Raymond Grosset. Doisneau retrouve sa place de photographe indépendant. Grâce à Grosset, il signe un contrat pour Vogue. Mais il ne se sent pas à l’aise dans le milieu de la mode. Il préfère photographier le monde de la nuit, en particulier les bistrots des années 1950, avec Robert Giraud, dans les quartiers des Halles ou Mouffetard. Giraud présente à Doisneau un grand nombre de personnages marginaux présents dans l’exposition, comme Richardot le tatoué ou Pierrette d’Orient l’accordéoniste.
Lui-même « jongleur, funambule, illusionniste pour encore plus de réalisme, tel est le paradoxe trompeur de celui qui voulait ‘réussir ses tours comme le font les artistes du trottoir’ avec la lucidité pudique d’un artiste malgré lui », commente Agnès Sire (commissaire de l’exposition).
A celui qui dit s’être « amusé toute sa vie à se fabriquer [son] petit théâtre », l’exposition répond par la présentation d’une autre facette de la personnalité de Doisneau, connue de ses proches mais pas du public. Celle d’un homme qui sait être grave et hyper réaliste. Loin du folklore pittoresque parisien.