Fauves et expressionnistes – De Van Gogh à Otto Dix
Jusqu’au 20 février 2010
Musée Marmottan Monet, 2, rue Louis-Boilly 75116, 9€
Il est toujours intéressant de voir des collections internationales dans les musées français car l’amateur d’art n’aurait pas forcément l’idée/les moyens/l’envie de faire le déplacement à l’étranger. Prenez l’exemple du musée Von der Heydt, situé à Wuppertal en Allemagne. Vous avez dit Wuppertal? Merci Google Maps!
Partant du postulat que les Expressionnistes allemands ont emprunté des idées essentielles à l’impressionnisme français, au néo-impressionnisme et au fauvisme, le musée Von der Heydt procède à un échange de collections avec le musée Marmottan Monet. Le musée parisien accueille l’exposition « Fauves et expressionnistes – De Van Gogh à Otto Dix » tandis que le musée allemand expose des oeuvres de Monet. Dans l’exposition parisienne, qui nous intéresse ici, est présenté un panorama permettant de visualiser l’évolution de l’art moderne, aux abords de la Première Guerre mondiale.
La cinquantaine d’oeuvres exposées s’étend de l’Expressionnisme (Munch, Rohlfs, Nolde, Kokoschka, Oppenheimer) à la Nouvelle Objectivité (Beckmann, Dix, Grosz). En passant par les Fauves (R. Dufy, G. Braque, M. de Vlaminck, K. Van Dongen), les représentants du Pont (Die Brücke) et du Cavalier Bleu (Der Blaue Reiter).
Soit un « parcours qui conduit du ‘nouveau départ’ incarné par l’avant-garde du début du XXe siècle jusqu’au réalisme critique après la Première Guerre mondiale », commente Gerhard Finckh, commissaire de l’exposition (directeur du musée Von der Heydt).
L’exposition s’ouvre sur un portrait de jeune fille du Norvégien E. Munch, exécuté en 1905. Munch sait particulièrement exprimer les sentiments intérieurs. Il porte ici un regard sur l’âme enfantine qui traduit l’incertitude existentielle, caractéristique du tournant du sicèle. Munch deviendra le maître à penser des Expressionnistes allemands.
Côté français, l’émergence du XXe siècle se traduit par une exaltation des couleurs, la quête d’un dépassement artistique. En témoignent la vue du port d’Anvers de Braque et celle du port du Havre de Dufy (1906) qui s’affranchissent des couleurs. Un an plus tard, le Nu de Van Dongen choque le public autant par son érotisme que par sa liberté chromatique.
Côté allemand, la même fébrilité de début de siècle conduit les artistes du Pont à un « nouveau départ », induit de pureté. Comme l’attestent les auréoles des Deux jeunes filles d’E. Heckel qui ne relèvent d’aucune valeur biblique.
Dans leur quête d’authenticité, les artistes de Die Brücke se rendent ensemble sur les bords du lac de Moritzburg pour y peindre des nus en plein air. Les Quatre Baigneuses de E. L. Kirchner témoignent de cette nouvelle liberté de vivre, réfutant les tabous de l’ordre moral du siècle précédent.
La quête de simplicité formelle s’accompagne d’une note primitive chez K. Schmidt-Rotthuff ou chez E. Nolde, qui voyage en Océanie à la suite de Gauguin.
Avec l’avènement de la NKVM (Nouvelle Association des artistes de Munich), la pureté des formes empreinte à la révolution des couleurs fauvistes pour célébrer la vie et l’extase. De façon moins sentimentale que celle prônée par les artistes du Pont mais plus spirituelle. F. Marc dresse une symbolique des couleurs dans laquelle son renard (habituellement représenté en rouge) se mêle les pattes dans le bleu (symbole de pureté et de romantisme) pour devenir bleu-noir. Tandis que A. Macke, suite à sa rencontre avec R. Delaunay, « cubitise » son trait (Jeune fille avec des poissons dans un récipient de verre). L’apothéose cérébrale est atteinte avec W. Kandinsky (Eglise villageoise sur les bords du lac de Rieg), qui avec A. von Jawlensky (Jeune fille aux pivoines, Yeux noirs), G. Münter et les artistes précédemment nommés défendent l’idée du « spirituel dans l’art ».
Cepdendant, tous les artistes de la NKVM n’aspirent pas à une telle spiritualisation. Kandinsky et Marc scindent le groupe et fondent Die Blaue Reiter.
Survient la Première Guerre mondiale qui coupe court à l’Expressionnisme de la première génération.
La deuxième, représentée par C. Felixmüller, O. Dox et G. Grosz reprend l’approche d’un réalisme critique développé par la Nouvelle Objectivité pour s’attaquer à la corruption et la décadence de la société.
L’exposition a le mérite d’offrir au public des oeuvres peu connues d’artistes pourtant internationalement célébrés. Dommage qu’elles ne soient pas présentées à leur avantage car sustendues sur un mur jaunâtre et vieilli qui rend mal la vivacité des couleurs expressionnistes.