Suzanne Valadon

Jusqu’au 26 mai 2025

#ExpoSuzanneValadon

Centre Pompidou, Paris 4e

Première femme à oser peindre des nus masculins en grand format, Marie-Clémentine Valadon (1865-1938), dite Suzanne Valadon, a révolutionné l’histoire de l’art. Comme l’expose avec brio le Centre Pompidou.

Suzanne VALADON, Portrait de Mauricia Coquiot, 1915. Huile sur toile. Crédit Photo : Centre Pompidou, MNAM CCI/Philippe Migeat/ Dist. Grand-Palais-Rmn

Exposition née au Centre Pompidou-Metz et adaptée à la maison mère parisienne, après deux itinérances (Musée d’arts de Nantes et Museu Nacional d’Art de Catalunya à Barcelone), « Suzanne Valadon » dévoile la manière de peindre originale « d’une artiste issue du petit peuple de Paris, qui a su s’extraire de sa condition sociale », commente Xavier Rey, un des trois commissaires de l’exposition.

La jeune femme entame une carrière dans le cirque (L’Acrobate ou La Roue, 1916), qui se solde par un accident et un changement de trajectoire. Elle devient modèle d’artistes auprès des renommés Jean-Jacques Henner, Auguste Renoir, Puvis de Chavannes. Ou encore Henri de Toulouse Lautrec, avec qui elle entretient une relation fougueuse, et qui lui donne le prénom de Suzanne (en référence au personnage biblique).

Suzanne VALADON, Portraits de famille, 1912. Huile sur toile. Photo © GrandPalaisRmn (musée d’Orsay) / Christian Jean / Jean Popovitch

Encouragée par ce dernier, elle passe de l’autre côté du chevalet et entre dans l’atelier d’Edgar Degas. Il lui apprend la technique de la gravure en taille douce et lui achète des dessins. Ses nus féminins, représentés dans leur vie quotidienne (toilette, ménage, bain) sont marqués par des traits bien appuyés qui contournent le corps. Faute de pouvoir payer des modèles, Suzanne peint les membres de sa famille : sa mère Madeleine, son fils Maurice Utrillo (né de père inconnu, comme elle-même), son amant et futur mari André Utter. Elle les représente sans complaisance ; rides, expression morose, raideur des poses, ne sont pas embellis. À l’âge de 66 ans, l’artiste signe un Autoportrait aux seins nus (1931), les seins tombant, les coins de la bouche retournés, le visage crispé, loin de l’idéal académique de la jeune fille pubère souriante.

Suzanne VALADON, La Chambre bleue, 1923. Huile sur toile. Crédit Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI/Jacqueline Hyde/ Dist. Grand-Palais-Rmn

Lorsque Suzanne passe à la peinture, elle continue de casser les codes du genre. Dans La Chambre bleue (1923), l’artiste représente son modèle telle une odalisque, mais exempte de tout érotisme, dans son corps débordant de chair, son pantalon à larges rayures, la cigarette à la bouche. C’est une femme qui ne regarde pas le spectateur, ni n’offre à sa vue son corps, contrairement à la version de Manet.

Suzanne Valadon, La Joie de vivre, 1911. Huile sur toile. Photo © The Metropolitan Museum of Art, Dist. Grand-Palais-Rmn / image of the MMA

Dans La Joie de vivre (1911), Suzanne Valadon explore le thème des baigneuses dans un paysage arboré. Ici ce n’est pas un homme artiste qui donne sa vision de femmes nues mais une femme qui introduit des femmes et – autre singularité – un homme nu (représenté sous les traits d’A. Utter) qui regarde les femmes. Elle questionne ici la position du voyeur.

Suzanne VALADON, Vénus noire, 1919. Huile sur toile. Crédit Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI/Philippe Migeat/ Dist. Grand-Palais-Rmn

Un jeu de miroir que l’on retrouve dans Vénus noire (1919), où cette fois-ci, la jeune femme regarde fièrement le spectateur. Sa chaire sombre, cernée de noire, se détache à peine des branches d’arbres. Son corps athlétique, mais non lascif, renvoie à une déesse antique à la couleur anti-académique.

Suzanne VALADON, Adam et Ève, 1909. Crédit Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI/Bertrand Prevost/ Dist. GrandPalaisRmn

Même effet déboussolant dans Le Lancement du filet (1914) et Adam et Ève (1909). L’artiste adapte un thème traditionnel qu’elle détourne en le modernisant. Dans les deux oeuvres, elle représente le corps nu d’Utter, exprimant un désir féminin pour un corps masculin. Son audace est toutefois réfrénée car elle doit couvrir le sexe de l’homme (pas de la femme), respectivement d’une ligne de pêche et d’une feuille de vigne, afin que les tableaux soit présentables au Salon des Indépendants de 1914 et 1920.

Le parcours, entrecoupé d’oeuvres d’artistes de son temps comme Marie Laurencin, Puvis de Chavannes, Matisse, est une réussite. Néanmoins, il aurait été appréciable d’avoir en contrepoint au moins une oeuvre de son mari, lui aussi contemporain de Suzanne (!) et de son fils.

Taggé .Mettre en favori le Permaliens.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *