Pierrot dit le Gilles. Un comédien sans réplique
Jusqu’au 03 février 2025
Musée du Louvre, salle de la Chapelle (600), Paris 1er
Après deux ans de restauration, Pierrot (autrefois intitulé le Gilles) d’Antoine Watteau (1684-1721) revient sur les cimaises du musée du Louvre, qui lui consacre une petite mais brillante exposition, pour comprendre son aura à travers les siècles.
Non seulement le tableau retrouve son éclat mais il a récupéré quelques centimètres de bordures latérales comme le montre une vidéo projetée à l’arrière de la toile au fond de la salle (à ne pas manquer !)
L’oeuvre représente en son centre, de manière frontale, un Pierrot, figé, encombré dans son costume blanc, avec à sa gauche en arrière-plan Crispin, ricanant de l’immobilité de Pierrot, et à sa droite trois personnages de théâtre (Momus, dieu de l’ironie, et peut-être deux amoureux de comédie).
Guillaume Farroult (conservateur en chef au département des Peintures du Louvre), commissaire de l’exposition, suggère que la toile a « peut-être été exécutée en 1719, l’année où la Comédie-Française a fait interdire toutes les représentations du théâtre de la Foire, dont Pierrot était le personnage vedette ».
De fait, au XVIIIe siècle, les différentes troupes de théâtre du registre comique sont en forte concurrence. Crispin est le personnage vedette de la Comédie-Française, en compétition avec Pierrot et Arlequin, personnages bouffons de la Comédie-Italienne. Mais l’autorité royale trouve que cette dernière fait preuve d’un esprit trop satirique. Ou est-ce par chauvinisme ?!!
Né à Valenciennes, Watteau s’installe à Paris vers 1702. Il s’intéresse très tôt à l’univers du théâtre et collabore vers 1705-1709 avec Claude Gillot, spécialisé dans les représentations des scènes de la Comédie-Italienne.
Dans son Pierrot monumental, dont le format se distingue des autres oeuvres du maître, Watteau ose réunir deux personnages concurrents, qui n’apparaissent jamais sur une même scène à l’époque. Watteau se serait représenter sous les traits de Crispin, peut-être pour souligner le ridicule de cette querelle de théâtres.
Le Pierrot de Watteau est mis en miroir d’autres oeuvres qu’il a inspirées au fil des siècles. Tel le portrait d’enfant costumé en Pierrot de Fragonard (années 1780) ou celui de Paul en Pierrot de Picasso (1925). Jusqu’à celui de Jean-Michel Alberola, Le Projectionniste (1992), en passant par le rôle de Sarah Bernhardt au théâtre et celui de Jean-Louis Barrault au cinéma (Les Enfants du paradis, Marcel Carné, 1945).
Richement documentée, cette exposition est à voir en complément de celle présentée dans le Hall Napoléon, qui rouvre après un agrandissement de sa surface d’exposition, consacrée aux « Figures du fou, du Moyen-Âge aux Romantiques ».