Zombis.

La mort n’est pas une fin ?

Jusqu’au 16 février 2025

#ExpoZombis

Musée du quai Branly – Jacques Chirac, quai Branly, Paris 7e

Le musée du quai Branly présente la culture vaudou haïtienne et sa dérangeante pratique – qui hante la culture populaire dans le monde entier – de la zombification. Philippe Charlier, spécialiste du sujet, lui-même initié, nous dévoile les particularités de cette religion née d’un syncrétisme au 16e siècle.

Oeuvre contemporaine de Myrlande Constant, reprenant la forme et les thèmes des bannières vaudou placées à l’entrée des temples et utilisées lors de processions, 2005. Représentation de Bawon, ou Baron Samedi, rdu lwa (ou esprit) des morts dans la société des Guédés. Haïti © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Claude Germain

Le parcours débute par la reconstitution d’un temple (houfnor) constitué d’un péristyle (espace sacré) où se réunissent les initiés. Au centre, un pilier (potomitan) couvert de serpents cherchant à atteindre l’oeuf sacré, relie les trois mondes (divin, humain, outre-tombe). Sur le sol en terre, un dessin réalisé à partir de charbon (vèvè), réalisé par Erol Josué, artiste, prêtre vaudou et commissaire associé de l’exposition, vise à appeler les divinités (loas). Leurs symboles doivent être activés par des libations d’alcool, des bougies et des paquets congo (objets de pouvoir surmontés d’une croix). Des banquettes sont disposées pour accueillir les initiés qui récitent des chants rituels. Au mur, des images pieuses originaires d’Italie ou de Cuba, représentent souvent les saints Côme et Damien, qui correspondent aux jumeaux Marassa ; des êtres divins aux pouvoirs surnaturels de guérison et de protection.

Objet vaudou essentiel, le « paquet congo » incarne les esprits protecteurs de son possesseur. Avant 1973. Haïti © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Claude Germain

La religion vaudou mélange coutumes locales et catholicisme romain. « Cela s’explique par la christianisation forcée des esclaves durant le voyage de trois mois entre l’Afrique subsaharienne et les Caraïbes », commente P. Charlier.

Le vaudou est composé d’une dizaine de sociétés secrètes, qui se disent les descendants de groupes d’esclaves marrons, ayant fui leurs maîtres occidentaux. Une société en particulier est présentée plus en détails car elle a la charge de la zombification : les Bizango, identifiables à leurs couleurs de vêtements rouge et noire.

Peinture représentant une scène vaudou : la grande prière « Djor », durant une cérémonie d’initiation © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Patrick Gries

Dans la société haïtienne, en cas de problème, on a soit la possibilité de recourir à la justice, soit de s’adresser à une société secrète, chargée d’évaluer la culpabilité de l’accusé et de le punir par la zombification, le cas échéant. « Dans 90% des cas, il s’agit d’un problème lié à la vente d’un terrain qui n’appartenait pas au vendeur, » explique le commissaire.

Avant d’être un « mort-vivant », le coupable va passer sept fois devant un tribunal. Si à la fin, il n’a pas cessé son méfait et persiste dans son comportement déviant, il sera enlevé du jour au lendemain, drogué à base d’un poison tiré du poisson Tetrodon (fufu ou fugu en japonais, riche en tétrodotoxine) et de poudre urticante. Passé pour mort alors qu’il a encore toute sa conscience, il est enterré vivant. Dans la nuit, un sorcier (bokor) va venir profaner sa sépulture, remplir son cercueil de pierres, l’emmener loin du cimetière, et le rendre esclave dans un champ de canne à sucre, une rizière, ou une usine. Il sera drogué chaque jour pour le rendre en état d’hébétude et de soumission. Il reçoit le même traitement que les esclaves au 16e siècle.

Personnage Bizango, début du 21e siècle © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Thierry Ollivier, Michel Urtado

Une salle reconstitue le moment du jugement devant une « armée d’ombres » : il s’agit de plusieurs reliques servant de juges, constituées de crânes humains adultes et de tissus rembourrés, comme l’ont montré des analyses par scanner. La sculpture fétiche tient dans la main des ciseaux, symbole du fil coupé de l’existence. Des bouteilles de rhum peuvent faire office de pieds ; elles sont remplies de fragments d’âme de l’initié dont l’effigie conserve la mémoire et la puissance.

« Il existe au moins quatre formes de zombi, qui est un mot valise », précise P. Charlier. « Le zombi classique (une personne veut se venger comme une belle-mère envers son gendre ou un mari contre sa femme qui ne veut pas divorcer), le criminel (voleur, violeur, etc.), le psychiatrique (syndrôme de Cotard), le social (usurpateur d’identité) ».

Huit histoires viennent corroborer cette classification. Telle celle du danseur congolais Prince Dethmer, qui meurt dans un accident de la circulation en 2013. Dix jours après ses funérailles, il re-aparraît. Mais est-ce vraiment lui ou y-a-t-il eu erreur sur l’identité du premier cadavre ? On le voit ici dans une scène de mysticisme chantée, ressemblant à un mort-vivant, les yeux fortement dans le vague.

Le parcours se poursuit avec les origines africaines du vaudou (traite négrière, croyance en fantômes et revenants au Bénin, Nigéria, Togo) mais aussi précolombiennes pour la maîtrise des drogues locales.
Il se termine sur la globalisation de l’image du zombi à travers la littérature, la musique (Thriller, de M. Jackson ; Zombie des Cranberries) et le cinéma (La Nuit des morts vivants, Walking Dead, World War Z).

Une exposition richement documentée et mise en scène, passionnante.

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