L’art d’être petit-fils
Jusqu’au 10 mars 2024
#GeorgesHugo @maisonsdevictorhugo
Maison de Victor Hugo, 6 place des Vosges, Paris 4e
En référence au recueil de poèmes L’Art d’être grand-père de Victor Hugo (1802-1885), la maison parisienne de Victor Hugo dévoile les oeuvres picturales de son petit-fils Georges (1868-1925), méconnues du public.
C’est à Georges Hugo et sa soeur Jeanne (enfants de Charles Hugo et d’Alice Lehaene), que l’on doit la création de la Maison de Victor Hugo. L’institution lui a rendu hommage avec une première exposition lors de la transformation de la maison en musée en 1903. Et de nouveau cet automne, avec un parcours qui revient sur les temps forts de la carrière artistique de Georges.
Son enfance est heureuse jusqu’à la mort de son père (1871) puis de son grand-père(1885). Il conduit lui-même le cortège, de l’Arc de Triomphe au Panthéon. Georges se destine aux lettres et à la peinture – il dessine et peint depuis l’adolescence – mais craint de ternir la mémoire de son grand-père adoré, qu’il avait surnommé « Papapa », tandis que lui-même s’appelait « Petitphysse ». Il s’échappe dans une vie mondaine et se réfugie dans la maison familiale de Guernesey, « Hauteville House ».
Georges fait son service militaire dans la marine (1891-1893), dont il gardera une passion pour l’eau et les voiliers comme en attestent de superbes aquarelles de bateaux, dans les nombreux ports qu’il parcourt. Il savoure d’autant plus cette expérience qu’il a enfin l’anonymat qu’il recherchait. C’est un simple matelot, sans privilège de nom. Il apprend à lire à ses camarades souvent analphabètes. Ses Mémoires d’un matelot sont publiées en 1896 et il participe à la Société nationale des beaux-arts en 1894 avec Vieux navires et La Dévastation.
Georges épouse son amie d’enfance Pauline Ménard-Dorian, avec qui il aura deux enfants (Jean et Marguerite). Ses portraits satiriques des hommes politiques et écrivains laissent la place à ceux, plus tendres, de sa famille. Il expérimente la gravure, en noir et blanc et en couleur.
En 1898, un chapitre de sa vie se tourne. Il quitte Pauline pour sa cousine Dora Dorian. Le couple s’installe dans la maison de celle-ci à Rovezzano, près de Florence. « Si l’on sait que les tourtereaux mènent une vie mondaine, nous n’avons aucune information sur le travail artistique de Georges durant cette période », commente Gérard Audinet (directeur des Maisons de Victor Hugo Paris et Guernesey), co-commissaire de l’exposition.
Patriote convaincu, Georges se démène pour être engagé sur le front lors de la Première Guerre mondiale. Il est envoyé en Champagne à l’âge de 46 ans. Il participe comme agent de liaison aux combats de la ferme Navarin. Toujours un carnet à la main, usant de matériaux de fortune (terre, vin, café), il croque ses camarades, avec sensibilité. « Ses traits à la fois nerveux et souples en font un très beau témoignage de la Grande Guerre », précise G. Audinet. Une crise aiguë de rhumatismes le contraint à être réformé. Son ami l’illustrateur Sem (1863-1934) publie ses dessins militaires dans L’Illustration (Noël 1916). Quelques mois plus tard, une grande exposition lui est consacré au musée des Arts décoratifs.
Brouillé avec sa soeur Jeanne, qui avait divorcé de son ami Léon Daudet, Georges se réconcilie avec elle et son nouveau mari Jean-Baptise Charcot. Grâce à l’entremise du romancier Paul Meurice, ils peuvent ainsi fêter en tout bien tout honneur le centenaire de Victor Hugo (1902). Georges et Jean-Baptiste partent même en Islande et Jan Mayen, son île septentrionale. Georges y réalise des paysages de fjords enneigés, d’envolée de goélands sur l’eau. Sublimes.
C’est à cette même période que son idole avec Dora se termine, même si le couple ne divorce pas. Georges, ruiné, revient vivre à Paris, dans une petite chambre de la rue de l’Elysée, partageant son temps entre le Café des Gaufres (Champs-Élysées) et sa chambre où il s’éteint dans la misère.
Une très belle découverte, dans un musée à l’atmosphère à la fois intimiste et historique.