Regards photographiques (1938-1947)
Jusqu’au 31 août 2009
[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Musee-MUSEE-DU-LOUVRE–tarif-journee–MULO1.htm]
Musée du Louvre, salle de la Maquette, entresol, entrée par la pyramide 75001, 9€
L’ouverture des sources photographiques datant de la Seconde Guerre mondiale a permis la mise au point d’une exposition historique sur l’activité du musée du Louvre entre 1938 et 1947. Entre salles vides et pièces « séquestrées » – réquisitionnées par les nazis pour trier les biens spoliés aux collectionneurs juifs -, le Louvre montre un visage surprenant aux yeux du visiteur contemporain.
L’acquisition du fonds photographique de Pierre Jahan (1909-2003), essentiellement représenté dans l’exposition auprès de Marc Vaux (1895-1962) et Laure Albin-Guillot (1879-1962), permet d’illustrer l’activité troublante du musée du Louvre pendant la Seconde Guerre mondiale. Notamment, l’existence de salles séquestrées, révélée par la découverte en 2004 d’un ensemble de photographies dans les archives de Coblence (Allemagne).
Dès 1932, suite à la victoire législative du parti nazi en Allemagne, la France dresse une première liste des oeuvres inaliénables à évacuer en cas de conflit.
Après l’annexion par l’Allemagne de l’Autriche et l’occupation de la région des Sudètes en ex-Tchécoslovaquie (1938), deux convois d’oeuvres d’art quittent le musée du Louvre pour le château de Chambord. A bord repose La Joconde.
Lors de la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne (septembre 1939), un abri antiaérien est construit au Louvre, dans le jardin de l’Infante.
En décembre 1939, 37 convois de cinq à huit camions en moyenne sont affrétés pour transporter les oeuvres des musées parisiens vers la province.
La percée rapide du front par les Allemands impose un nouveau déplacement des oeuvres du Val-de-Loire vers l’abbaye de Loc-Dieu dans l’Aveyron. Mais, les conditions climatiques y empêchent la bonne conservation des oeuvres, qui sont alors transférées au musée Ingres à Montauban.
L’invasion de la zone libre en 1942 impose un ultime déménagement; les oeuvres sont dispersées à la campagne, dans des châteaux du Lot. Elles ne seront rapatriées à Paris qu’à partir de juin 1945. Leur retour s’étale sur un an, en raison des restrictions d’approvisionnement en essence et en charbon (nécessaire pour chauffer les salles du musée).
Des photographes de presse, d’agence ou indépendants, couvrent le déplacement des oeuvres. Ils se concentrent sur le sort des pièces symboliques: la Victoire de Samothrace, la Vénus de Milo et La Joconde.
Temps de guerre oblige, l’administration du Reich considère la France comme son « grenier à blé » et Paris doit jouer le rôle du « Luna Park de l’Europe », commente Guillaume Fonkenell, commissaire de l’exposition, . « A son honneur, l’Allemagne respecte les règlements; ce qui l’empêche de puiser impunément dans les collections publiques françaises ». Néanmoins, elle tente de contourner cette contrainte en ayant recourt à l’échange diplomatique. Comme l’avait pratiqué Pétain avec Franco pour remercier l’Espagne de sa neutralité durant la campagne de 1940. Si dans ce cas, la France avait envoyé plus d’oeuvres qu’elle n’en avait reçues (un Vélasquez et un Greco), avec l’Allemagne, les conservateurs français sont beaucoup plus exigeants. Ils réclament huit Watteau, qui avaient été acquis par le roi de Prusse et n’avaient jamais quitté Berlin, contre un seul Boucher (Diane sortant du bain)! Le processus d’échange finit par échouer.
A défaut, les Nazis s’emparent des oeuvres des collectionneurs juifs, familles et marchands d’art. Les salles séquestrées sont celles des Antiquités orientales au Louvre et celles du Jeu de Paume, où les dignitaires allemands, tel Goering, viennent faire leur marché pour enrichir leur fonds personnel.
Le personnel français est interdit dans ces salles mais Rose Valland, responsable au Jeu de Paume, est chargée d’espionner le va-et-vient des oeuvres pour le compte de la direction des Musée nationaux. Ce qui permettra aux Alliés de restituer les oeuvres à leurs ayants-droit, après la défaite allemande. « A ce jour, environ 45.000 sur 60.000 oeuvres spoliées ont retrouvé leurs propriétaires », précise G. Fonkenell.
Néanmoins, nombre d’oeuvres ont été brûlées dans le jardin des Tuileries sur décision d’un jury « d’experts » allemands, chargés de sélectionner les oeuvres dignes d’intérêt pour les collections du Reich.
L’exposition présente des clichés originaux (encadrés en bois) et d’autres retirés spécialement pour l’occasion (couverts d’un passe-partout), qui illustrent l’ambiance politique, la technique et l’esthétique des années 1930 et 1940. Les rares photographies prises à la sauvette montrent l’envers du décors des images de progagande. Loin d’être revenue à la normale, l’activité culturelle au Louvre est, comme le reste du pays, soumise à l’occupation. En attestent la restriction d’accès des salles (tout le premier étage est fermé), le parcours obligatoire fléché en allemand, le jardin extérieur transformé en potager pour faire face à la récession alimentaire. Surtout, l’essence du musée pâtit de l’absence de ses oeuvres vitales, dont il ne reste que les cadres. Un véritable musée hanté.
Très belle exposition! Les images sont assez claires, bien expliquées et les textes sont vraiment riches. BRAVO non seulement pour le travail que cela peut constituer de rassembler toutes les photographies et les textes mais aussi pour ceux qui ont oeuvré pour qu’une partie très importante de l’art et la culture survive ainsi à la guerre.