Jusqu’au 25 mai 2009
[fnac:http://plateforme.fnacspectacles.com/place-spectacle/manifestation/Exposition-INCROYABLES-CETACES—CETAC.htm]
Museum national d’Histoire naturelle, Jardin des Plantes, Grande Galerie de l’Evolution, 36, rue Geoffroy Saint-Hilaire 75005, 8€
« Gentil » dauphin, « monstrueuse » baleine? Le museum national d’Histoire naturelle propose de confronter les mythes des cétacés aux réalités scientifiques, dans une exposition ludique qui plonge petits et grands dans l’univers du Grand Bleu. « Incroyables Cétacés! » invite à la découverte de l’histoire de leur évolution, des premiers fossiles aux espèces aujourd’hui disparues ou menacées. Si les mammifères marins ont de tout temps fasciné les hommes, ces derniers le leur ont souvent mal rendu…
Les cétacés font partie des mammifères marins commes les pinnipèdes (phoques, otaries, éléphants de mer, morses), les siréniens (lamantins, dugongs), la loutre de mer et l’ours blanc. Mammifère signifie qu’ils donnent naissance à des petits qu’ils allaitent, qu’ils ont le sang chaud et respirent l’air par des poumons. Mais, contrairement aux hommes, ils dépendent du milieu marin pour répondre à leurs besoins vitaux.
Les cétacés comportent 84 espèces différentes. Les plus connues sont les mysticètes (baleine franche, baleine grise, baleine à bosse, rorqual, baleine pygmée) et les odontocètes (dauphin, globicéphale, orque, marsouin, dauphin d’eau douce, cachalot, narval, bélouga, baleine à bec).
Les mysticètes (du grec mystacos: moustache et kêtos: baleine) n’ont pas de dents; ils filtrent la nourriture grâce à des fanons, qui peuvent mesurer jusqu’à 5m pour la baleine franche du Groenland. Ils comptent parmi les plus grands animaux de la planète (plus de 30m pour la baleine bleue). Ils respirent grâce à deux grosses narines, des évents, situées sur le sommet de leur crâne. Solitaires, les baleines sont de grandes migratrices telle la baleine grise qui peut parcourir jusqu’à 19.000 km par an.
Les ondontocètes (du grec odontos: dent et kêtos: baleine) sont plus nombreux et diversifiés que les mysticètes. Leur groupe compte plus de 70 espèces, du marsouin de 1m20 au cachalot de plus de 20m. Contrairement à leurs cousins, ils possèdent des dents qui ne servent pas à la mastication mais à la capture et l’immobilisation des proies et un évent unique. Ils sont plus sociaux et dotés d’un système sophistiqué de repérage, l’écholocalisation, sonar naturel que l’on retrouve uniquement, parmi les mammifères, chez les chauve-souris.
L’exposition débute par la présentation de fossiles de cétacés, suspendus en l’air comme plongeant sur le visiteur… Petite frayeur avant de se réfugier dans l’atmosphère apaisante, liée à la lumière tamisée bleutée et au son de vagues, du coeur de l’exposition.
L’ancêtre des cétacés est un animal terrestre, un ongulé, dont les descendants se sont progressivement adaptés à la vie aquatique. Ce qui explique pourquoi certaines baleines ou dauphins naissent exceptionnellement avec une ou deux pattes arrière atrophiées – résurgence hériditaire de leurs lointains ancêtres. Le changement de milieu de vie a eu lieu entre 50 et 35 millions d’années. Le premier cétacé complètement amphibie (38 millions d’années) se nomme cynthiacetus, de la famille des basilosauridés.
On sait aujourd’hui que les plus proches parents actuels des cétacés sont les hippopotames. De manière surprenante, la nageoire d’un cétacé comprend les mêmes os que la patte avant de n’importe quel autre mammifère, dauphin, cochon ou bras humain.
Les cétacés ne respirent pas sous l’eau, même si les cachalots et les baleines à bec peuvent rester pendant deux heures en apnée. Ils doivent remonter en surface pour inspirer de l’air. Leurs poumons sont plus petits que ceux des humains mais plus efficaces. A chaque inspiration, ils renouvellent 90% de l’air contre 20% chez la plupart des mammifères terrestres. Ils possèdent un volume sanguin deux à trois fois supérieur au nôtre et stokent deux fois plus l’oxygène dans le sang et les tissus musculaires.
Lorsqu’elles sont à la surface de l’eau, les baleines contractent les muscles de leur évent pour expirer. L’air est alors violemment expulsé sous forme de colonne – mélange de vapeau d’eau, d’eau de surface et de goutelettes graisseuses provenant du conduit nasal.
Les cétacés sont les mammifères les mieux adaptés à la nage mais ils ne sont pas les plus rapides du monde aquatique. Si l’espadon voilier est capable de pointes à 140km/h, c’est l’orque qui reste le plus endurant avec une moyenne de 55km/h.
Leur corps en forme de torpille facilite l’hydrodynamisme. Les cétacés nagent en prenant appui sur l’eau. Leur puissance caudale, qui sert à la propulsion, bat de haut en bas et non de gauche à droite comme chez les poissons. Ils se servent de leurs pectorales pour garder l’équilibre et se diriger.
L’ouïe est le sens le plus développé des cétacés. Mais ils sont également dotés d’une bonne vision – ils voient autant dans l’eau que dans l’air et leur peau est très sensible au toucher. Leur goût semble aiguisé; ils pourraient se diriger en fonction de la salinité de l’eau. Seul leur odorat est quasiment nul puisque leurs narines sont la plupart du temps fermées.
Comme les autres mammifères, les cétacés se reproduisent par fécondation interne. D’où les parades pour séduire la femelle et les compétitions entre mâles. Les vocalises et les contacts physiques sont importants au cours des préliminaires. Le bébé cétacé se présente par la queue pour éviter la noyade et le choc thermique que pourrait subir la tête entre la température du corps de la mère (36°C) et celle de l’eau. Il remonte à la surface pour sa première respiration, aidé de sa mère.
Depuis l’Antiquité, l’homme admire les petits cétacés. Il considère le dauphin comme son égal. Si les études scientifiques attestent, chez les dauphins et les orques, de leurs capacités sensorielles, de socialisation, d’apprentissage, de la conscience de soi et d’un certain libre arbitre, ils réfutent l’hypothèse selon laquelle leur intelligence serait supérieure à celle des humains.
Les grands cétacés, en revanche, sont décrits dans la littérature comme des monstres à défier. Les marins islandais du Moyen-Age craignaient la « baleine du diable » et ne devaient jamais prononcer son nom en mer. Comme aujourd’hui le lapin, même si l’animal paraît bien moins effrayant!
Les hommes n’ont donc eu aucun scrupule à chasser la baleine. En France, dès le Moyen-Age sur les côtes du sud du Golfe de Gascogne. Biarritz deviendra l’un des grands centres de pêche grâce à la capture de baleines franches et de cachalots jusqu’au XVIe siècle. Les cétacés constituent une grande source de matières premières: pour leur viande et leur graisse mais aussi pour le spermaceti qui entre dans la composition de bougies, corsets, parfums, parapluies, savons.
Aujourd’hui, la chasse à la baleine est règlementée. En 1986, un moratoire international interdit la chasse à tous les grands cétacés. Seuls les peuples dont la survie dépent de sa chasse sont autorisés à traquer la baleine. Cependant, la Norvège a décliné le moratoire en 1993 et a repris la chasse commerciale, comme récemment l’Islande. Quant au Japon, il continue de capturer 120 baleines par an, dans une optique scientifique controversée.
La chasse aux petits cétacés est moins connue. Le marsouin a été considéré comme un mets royal: au début du XVe siècle, il a été servi rôti au mariage d’Henry V d’Angleterre. Depuis 1970, la France a interdit la capture des delphinidés. Contrairement au Japon, Groenland et Iles Féroé. Pourtant, une étude toxicologique aurait révélé que 52% de la viande de cétacés disponible sur le marché japonais était impropre à la consommation en raison de la pollution des mers…
L’exposition se termine sur la menace qui pèse sur les cétacés en raison des produits toxiques rejetés en mer par l’industrie et l’agriculture. Pollution chimique qui provoque des tumeurs ou des troubles des systèmes immunitaire et reproducteur. Par ailleurs, les hélices de bateau et les filets blessent les dauphins, les bouteilles et sacs en plastique sont confondus par les baleines avec leurs proies, ce qui obstrue leur tube digestif et entraîne leur mort. Sur les 100 millions de tonnes de plastique produites annuellement, 10% finissent en mer…
La pollution est également sonore. Le monde sous-marin n’est pas silencieux. En plus des sons d’origine naturelle, les activités humaines telles que le trafic maritime, les manoeuvres militaires, les industries pétrolières et gazières rendent l’océan de plus en plus bruyant. Ce qui semblerait générer – des études scientifiques sont encore en cours – du stress, des lésions du système auditif et le brouillage des signaux sonores pour les cétacés.
Pour ne pas quitter l’exposition sur une note sombre, un écran-lucarne permet de rêver en observant les fonds maritimes et les cétacés qui y évoluent. Une tonne de finesse dans un monde de brutes!
A voir aussi: les vélins de Pierre-Joseph Redouté (1759-1840) au Cabinet d’histoire du Jardin des Plantes (jusqu’au 27 avril 2009).