Baselitz – La rétrospective
Jusqu’au 7 mars 2022
#ExpoBaselitz
Pierre Bismuth – Tout le monde est artiste mais seul l’artiste le sait
Jusqu’au 28 février 2022
#ExpoPierreBismuth
Centre Pompidou, Paris 4e
Deux nouvelles expositions au Centre Pompidou, deux ambiances complètement différentes. Au niveau 6 du musée national d’art moderne est présentée une rétrospective de l’artiste allemand Georg Baselitz (né en 1938 près de Dresde) et au niveau 4 une salle est consacrée aux nouveaux travaux de Pierre Bismuth (né en 1963 à Neuilly-sur-Seine). La première est très sombre, la seconde ludique et inventive.
GEORG BASELITZ
Né en Allemagne de l’est sous le nom de Hans-Georg Bruno Kern, ayant connu les régimes nazi et soviétique, Georg Baselitz (pseudonyme qu’il prend après la construction du mur de Berlin) doit créer dans un environnement totalitaire peu propice à l’art et à la joie de vivre. Des corps d’hommes ou des troncs d’arbres tronqués desquels jaillit du sang composent ses oeuvres d’après-guerre. Il se fait connaître par des oeuvres impudiques exposées avec scandale en 1963.
« Je suis né dans un ordre détruit, un paysage détruit, un peuple détruit, une société détruite. Et je n’ai pas voulu réinstaurer un ordre ; j’avais vu assez de soi-disant ordre. J’ai été contrait de tout remettre en question, d’être ‘naïf’, de repartir de zéro. Je n’ai ni la sensibilité ni la culture ni la philosophie des maniéristes italiens, mais je suis maniériste au sens où je déforme les choses. Je suis brutal, naïf, gothique. »
Dans les années 1965, G. Baselitz rêve de créer à Berlin Ouest, où il s’est installé depuis 1957, une nouvelle peinture allemande. Sa marque de fabrique sera le renversement de l’image. La plupart de ses personnages ou animaux ont le corps à l’envers (tête en bas de la toile). Une manière pour lui de mêler art figuratif et conceptuel. Son second leitmotiv est le bras tendu, point serré, que l’on voit dans ses autoportraits et dans ses totems en bois ; assez ambigu, il témoigne de sa persévérance à créer mais semble aussi être une allusion critique au salut militaire.
Au fil des ans, ses silhouettes se fondent de plus en plus dans un fond préalablement peint, comme si le temps les effaçait.
Sa première sculpture en bois, Modell für eine Skulptur (1980) est exposée à la Biennale de Venise, où il représente la République fédérale d’Allemagne. Le geste du bras levé est repris et fait de nouveau scandale. Ses autres totems sont plus soft, le visage plutôt joyeux avec le contour des yeux et de la bouche recouvert de peinture fluo.
L’artiste est exposé dans le monde entier. Il est consacré chevalier de la Légion d’honneur en 2012. Il est élu membre associé étranger à l’Académie des beaux-arts (2019). Sa sculpture Zero Dôme vient d’être installée devant l’Institut de France.
PIERRE BISMUTH
Le titre de l’exposition, un clin d’oeil à Joseph Beuys (« Chaque être humain est artiste »), donne le ton. L’artiste réfléchit sur la production/la consommation industrielles et culturelles. Faisant référence à Marcel Duchamp (« Le célibataire [à savoir l’artiste] broie son chocolat lui-même »), il crée ses propres tablettes, à partir de fèves de cacao crues biologiques, qui sont mises à disposition dans l’exposition (dans la limite de 10.000 tablettes au cours des quatre mois d’exposition).
Pièce phare de l’exposition, la voiture Saab 900, ayant appartenu au collectionneur belge d’art conceptuel Herman Daled (mort en 2020) dont P. Bismuth a hérité. Il en a refait l’intérieur pour inscrire le nom des artistes de la collection Daled (2021). Si le collectionneur fétichise ses objets d’art, ici c’est la voiture qui fétichise un objet du collectionneur.
À côté ses sculptures en polyéthylène arôme poulet industriel (2015) ressemblent – au choix ! – à des tas d’excréments ou des spaghettis trop cuits ! Elles font face à des double vitrage à la confiture (2021). La confiture est étalée en larges bandes verticales ou horizontales en référence à l’abstraction géométrique.
En 2019, P. Bismuth se lance dans le métissage de drapeaux : une partie renvoie au pays d’origine de migrants, l’autre au potentiel pays d’accueil. Pour cette exposition, il reprend cette idée en mélangeant le drapeau français et celui du Rwanda pour évoquer la récente polémique au sujet de la France dans le génocide des Tutsis.
Ce qui nous ramène à son Jungle Book Project (2002) : chacun des 19 personnages du dessin animé de Disney parle une langue différente, mais on s’en aperçoit à peine tellement ce film est connu. « C’est précisément cette double qualité à la fois d’étrangeté et d’évidence qui est au coeur de l’oeuvre de Pierre Bismuth », commente Jean-Pierre Criqui, commissaire de l’exposition.
Deux oeuvres à découvrir, sans oublier la sublime Georgia O’Keefe.